C'est autour de la lutte des services d'urgences qui s'étend, se coordonne et durcit, que se développe la résistance à l'offensive libérale.
Placées à l'interface entre la médecine de ville et l'hôpital, les urgences concentrent la crise du système de santé. D'un côté, faute de réponses satisfaisantes dans les villes et les quartiers, les urgences sont souvent le seul moyen d'accéder rapidement et gratuitement à des soins. Ainsi, le nombre de passages a doublé en 20 ans (de 10 à 20 millions).
Les déserts médicaux, territoires entiers (dans les banlieues, les petites villes et les campagnes) où il devient très difficile de consulter un médecin s'étendent et concernent 8 millions de personnes, et l'incapacité de la médecine libérale à assurer une véritable permanence des soins hors hôpital, l'absence d'un « tiers payant » garantissant leur gratuité effective, continueront de pousser les patients et leurs familles en détresse, vers la seule réponse existante : les urgences.
Dérisoires bricolages locaux
Les bricolages locaux (les « Communautés professionnelles territoriales de santé »), créés par la loi santé pour assurer la « permanence des soins » par le secteur privé libéral, sont une réponse dérisoire. Comment imposer un surcroit de travail à des médecins généralistes épuisés, et à un exercice libéral à bout de souffle, en ménageant par ailleurs le lobby de syndicats médecins libéraux ? Les urgences voient de plus affluer des patientEs en crise, que la psychiatrie publique sinistrée n'est plus en état d'accueillir, ou des personnes âgées, auxquelles les EHPAD ou hôpitaux de proximité sans moyens adaptés ne peuvent fournir les soins appropriés.
À l'autre bout de la chaîne, les urgences hospitalières saturées, sont dans l'incapacité de transférer dans les autres services hospitaliers, faute de lits et de place, les patientEs qui arrivent aux urgences. Les équipes passent en vain des heures à « chercher des lits » dans les services. L'austérité qui, depuis des années, frappe l'hôpital public, réduit en effet sans cesse les capacités d'accueil des établissements hospitaliers, qui devront encore cette année rogner près d'un million d'euros sur leur fonctionnement.
Des luttes à coordonner
Les conséquences sont inéluctables. Les médecins et personnels soignants des urgences doivent faire face à des situations de plus en plus invivables : attente pendant des heures des patientEs, qui s'entassent dans les lits ou sur des brancards, avec le risque de ne pas être pris en charge à temps ; montée de la violence due pour l'essentiel à ces délais d'attente inadmissibles ; rythmes de travail et stress insupportables, avec en permanence le risque de la faute professionnelle. L'épuisement professionnel, les démissions et, dans certains cas extrêmes, les suicides, en sont les conséquences.
Le mépris et les réponses dérisoires de la ministre Agnès Buzyn apparaissent aux personnels en lutte comme une provocation supplémentaire du pouvoir. Celui-ci essaie d’appliquer dans la santé la recette utilisée avec tous les mouvements sociaux : laisser pourrir, réprimer brutalement les résistances les plus fortes, continuer à faire passer en force ses contre-réformes grâce à sa majorité parlementaire.
Autour de la lutte des urgences, et pour lui permettre de gagner, c'est donc la coordination des luttes, qui se multiplient depuis des mois mais restent isolées, dans les établissements hospitaliers, en psychiatrie, dans les EHPAD, qui est à l'ordre du jour. Elle doit bénéficier du soutien actif des syndicats interprofessionnels, des comités de défense des hôpitaux, des Gilets jaunes, qui ont placé l'accès aux soins et la défense de l'hôpital public parmi leurs premières revendications, pour faire de la santé un enjeu décisif du combat social et politique.
Commission nationale Santé Sécu Social du NPA