Les propos de Fillon annonçant la fin du remboursement par la Sécu du « petit risque » ont provoqué un tel rejet que tous les candidats à l’élection présidentielle se sont cru obligés d’évoquer le remboursement à 100 %. Ce qui était hier une utopie du NPA serait-il aujourd’hui partagé par tous les candidats à la présidentielle ?
Le Pen dit vouloir « protéger à 100 % la santé des Français » (« protéger », et non rembourser !), et « améliorer » la prise en charge des prestations d’optique et auditives grâce à la complémentarité de l’assurance maladie et de la protection complémentaire. Elle veut abolir le tiers payant.
Fillon et Macron annoncent, eux, le remboursement à 100 % des lunettes et des prothèses auditives prises en charge par les complémentaires santé. Fillon veut réaliser 20 milliards d’économie sur le budget de la Sécu, et Macron se contente de 15 milliards ! Les deux ont aussi pour objectif de supprimer le tiers payant généralisé.
Hamon déclare vouloir supprimer les franchises médicales et « augmenter la part du remboursement de la Sécu » pour les prothèses auditives, dentaires et l’optique. Il veut consolider l’assurance maladie, tout en valorisant les mutuelles.
Le 100 %, ce n’est pas la gratuité
Pour ces candidatEs, le 100 % ne concernerait que des prestations qui ne sont presque pas couvertes par la Sécu (ainsi une monture de lunette pour adulte est remboursée à 60 %, sur la base de 2,84 euros, soit 1,70 euro). Fillon et Macron feront prendre en charge le surplus de remboursement par les complémentaires... alors que 4 à 5 % de la population n’en bénéficie pas. Comme celles et ceux qui ne peuvent faire l’avance des frais, ils devront continuer à renoncer ou à retarder ces soins… et d’autres.
Car les complémentaires santé sont chaque année plus chères et souvent inaccessibles pour les jeunes, retraitéEs, chômeurEs, précaires qui ne bénéficient pas de la prise en charge d’une partie de la cotisation par l’employeur. Il s’agit d’un autre facteur d’exclusion des soins.
De plus, les forfaits hospitaliers de 18 euros par jour, les participations forfaitaires de 1 euro sur chaque acte et consultation des médecins, analyses médicales, radiologie, et de 18 euros sur les actes coûteux (à partir de 120 euros), les franchises de 0,50 euro par boîte de médicaments et actes paramédicaux... sont soustraits des remboursements de la Sécu et ne peuvent pas être remboursés par les complémentaires, à l’exception des forfaits hospitaliers. Et les dépassements d’honoraires ne sont jamais pris en charge par la Sécu et leur remboursement par les mutuelles est plus ou moins limité.
Couverture intégrale par la Sécurité sociale !
Le droit à la santé est un droit fondamental dont chacun doit pouvoir bénéficier sans restriction. Pour Philippe Poutou et le NPA, la santé doit donc être gratuite et accessible à tous et toutes, avec ou sans papier, quelle que soit la nationalité. La Sécurité sociale doit donc être réellement universelle et rembourser les soins préventifs et curatifs, les médicaments et matériels médicaux intégralement à 100 %, c’est-à-dire sans forfait, franchise, ticket modérateur, reste à charge, dépassements d’honoraires ou de tarif. Les médicaments sans bénéfice thérapeutique ne doivent pas être produits.
Chacun doit avoir la possibilité d’accéder sur tout le territoire, dans tous les quartiers, à un réseau de soins gratuits. La Sécurité sociale devra financer un réseau de centres de santé publics et gratuits, pluridisciplinaires, ouverts 24 heures sur 24, assurant l’éducation à la santé, la prévention, les soins médicaux et dentaires. Ce service public de santé devra disposer des moyens d’agir en lien avec tous les acteurs concernés (CHSCT, associations…), sur tous les déterminants de santé (environnement, nourriture, logement, conditions de travail...).
Combien ça coûte ?
Ainsi, les mutuelles disparaîtraient, et leur personnel devra donc être intégré aux organismes de Sécu et dans le service public de santé qui manquent cruellement d’effectifs. Cela permettra des économies, comme le prouve la Sécu d’Alsace et de Moselle qui dispose d’un régime particulier, héritage de l’histoire de cette région. Celle-ci rembourse l’hospitalisation et les frais de transport à 100 %, les soins à 90 %, les médicaments à 90 % et 80 % (même pour ceux qui sont remboursés à 35 % ailleurs dans le pays).
La cotisation supplémentaire payée par les assurés sociaux est de 1,5 % du salaire brut. Et ce régime est équilibré en économisant les frais de gestion et de marketing des complémentaires...
Alors, « irréaliste » ?
S. Bernard