Au 1er août, les salariéEs Transdev des trois zones tests ont été transférés dans les filiales créées pour l’occasion. La région Île-de-France, à travers l’autorité organisatrice IDF Mobilités, a racheté tous les bus et construit quelques dépôts – capital fixe aux frais du contribuable. Les grands groupes du secteur se contentent de « l’exploitation », c’est le cas de le dire. Les conditions de travail et de rémunération deviennent la seule variable dans les appels d’offre : une course vers l’abime.
Des « socles » plus bas que terre
À Vaux-le-Pénil, près de Melun (77), les conducteuErs ont découvert un dépôt flambant neuf en même temps que leurs nouvelles conditions de travail. Changement cosmétique du nom de l’employeur – de « Transdev IDF Vaux-le-Pénil » à « Transdev Melun Val-de-Seine » mais bouleversement des horaires et des plannings.
Car le changement d’entreprise sur appel d’offres permet au patron de liquider tous les accords locaux, souvent produits des luttes passées. Retour brutal à l’une des conventions collectives du secteur, « urbain » ou « interurbain ». Ces accords de branche sont minimalistes, voire pire puisqu’ils contiennent une longue liste de dispositions inférieures au code du travail – service public oblige !
En novembre 2020, en prévision du big-bang à venir, Transdev a concocté un « accord-socle » au niveau du groupe en Île-de-France. Cet accord scélérat se contente de reprendre les dispositions au rabais de la branche, en y ajoutant seulement une prime « différentielle », une usine à gaz qui prétend compenser les pertes importantes en rémunération variable. C’est donc d’un côté l’aveu que les salaires vont baisser et de l’autre une tentative de division entre les anciens et les nouveaux embauchés qui n’auront pas ce « différentiel ». Mais il s’est trouvé quatre syndicats majoritaires pour le signer et seulement deux (CGT et Sud) pour le refuser.
Les barons vol’heures
Concrètement pour les conducteurEs de Seine-et-Marne ? Perte de la prime repas, perte de chèques vacances, carence allongée de trois à cinq jours, diminution de moitié des rémunérations des dimanches et fériés, vol caractérisé sur les heures supplémentaires… Au total et suivant les services et l’ancienneté, de 3 000 à 6 000 euros par an en moins. Perte compensée en partie pour les anciens, mais sèche pour les nouveaux embauchés.
Mais le pire c’est l’introduction d’un temps de travail non payé : le « temps indemnisé ». C’est le temps passé hors du dépôt, dans le bus, sans rouler. Loin de sa voiture, de ses affaires personnelles, avec un véhicule sous sa responsabilité et souvent des clientEs à renseigner, sans doute loin d’imaginer qu’ils et elles s’adressent à un demi-bénévole. Ces temps ne sont plus décomptés dans le temps de travail. Adieu les heures supplémentaires, bonjour les journées à rallonge !
Ce temps « indemnisé » à 50 % du taux horaire est du temps volé qui permet à la direction d’allonger les journées : les amplitudes vont régulièrement jusqu’à 13 heures. Certaines semaines, après 45 heures passées dans son bus, le conducteur est payé 35 heures.
Unifier et étendre la grève pour gagner
« Nos fiches de paie, c’est la NASA » : la complexité du calcul du temps de travail et des primes embrouille les revendications. À croire que c’est fait exprès. Cela entretient l’illusion de solutions techniques, locales, négociées dépôt par dépôt. C’est la stratégie du groupe Transdev dont le DRH a visité tous les dépôts en grève de la région, et entamé des discussions par site.
Mais les grévistes ne sont pas dupes. Ils savent que Transdev divise pour mieux régner. Ils savent aussi qu’ils sont les premiers d’une longue liste, que la SNCF/Keolis et la RATP ont regardé l’expérience avec appétit pour la généraliser… et que cette grève peut leur rester en travers de la gorge. Car le mouvement en cours est un encouragement pour touTEs les salariéEs des transports : ils et elles ont les moyens d’emporter ce bras de fer engagé par les grands groupes du secteur, à condition de s’unir quels que soient leurs statuts particuliers.