Dès le début du mouvement, les ZI des Bouches-du-Rhône ont été le terrain d’actions d’envergure, interprofessionnelles et intersyndicales. Pétrochimie, déchets... Chronique d’un mouvement qui se construit, dans la solidarité mais également dans la détermination politique.
Dès le 20 mai, les premières actions de blocage sont organisées et se coordonnent. Ainsi, un matin, dès 4 heures, les principaux axes routiers de la ZI de Fos sont fortement perturbés. Pas moins de 4 barrages filtrants : territoriaux CGT, portuaires, pétrochimie, routiers… Le nombre de militantEs est à chaque fois saisissant, le sentiment de force gagne les troupes, et l’accueil des automobilistes, pourtant parfois coincés plus de 2 heures, est bon. Les syndicalistes de la CGT sont une majorité écrasante.
La pétrochimie allume la mèche
Sur la ZI, la situation se durcit d’un coup : les portuaires en charge des pétroliers entrent en reconductible, les raffineries votent l’arrêt. Après s’être « comptés » lors des premières actions, c’est l’ensemble du 13 qui s’active. Lundi 22 mai, à 2 heures du matin, nous sommes plus de 500 devant l’UL de Fos pour installer le blocage de DPF (Dépôt pétrolier de France). À 4 h 30 le lendemain, les CRS chargent : 200 personnes refluent vers la maison des syndicats. Mais la levée du piquet ne semble pas suffire : l’UL est prise pour cible, canon à eau et grenades lacrymogènes pleuvent sur les militants retranchés, des drones survolent les rues avoisinantes pour traquer celles et ceux qui se seraient échappés... Erreur fondamentale du préfet : loin de terroriser, cet acte hallucinant galvanise tout le monde !
Réponse immédiate
Dans toute la zone, on débraie (métallurgie, chimie…), les militantEs se rassemblent. Le dispositif policier est énorme : des dizaines de cars de CRS et gendarmes mobiles, des canons à eau… À 6 heures cependant, un nouveau blocage des accès routiers est installé. En moins d’une heure, il sera dégagé à coups de gaz et de matraque. Nouveau rendez-vous donné devant une raffinerie à 8 heures. Une marée bleue charge les manifestantEs : tout le monde se replie à l’UL de Martigues. 10 h 30, une manif sauvage de quelques centaines de personnes prend la direction du commissariat. Le dispositif policier nasse encore. Les femmes passent alors en tête, faisant reculer les CRS ! À compter de ce matin-là, Fos vivra en état de siège : 2 à 3 cars de CRS stationnés à chaque rond-point, les accès à DPF filtrés jour et nuit…
Deux semaines d’actions ininterrompues
Tous les matins, les rendez-vous s’enchaînent : 4 heures ici à un barrage filtrant, 3 heures là à un péage devenu gratuit, comme à Lançon à l’initiative des militantEs CGT Santé… Le nombre ne cesse de croître, jusqu’au jeudi 26 mai, journée nationale d’action. À 6 heures, un millier de personnes sont rassemblées à Vitrolles. Un barrage filtrant est prévu sur une zone logistique. Vu le nombre, un second barrage est décidé. L’accueil est toujours excellent, l’ambiance franchement joviale. Oui, mais voilà, la veille, tous les médias ont repris en boucle les attaques gouvernementales contre les « terroristes » de la CGT… Des mots graves qui s’imprègnent dans les têtes. À 9 h 30, un routier fonce sur le piquet renversant deux camarades. Le choc passé, direction Fos, où une manifestation se tient en réponse aux violences policières. La mobilisation est incroyable : jamais nous ne fûmes si nombreux dans cette ville de 16 000 habitantEs. Lorsque les 6 000 manifestantEs s’arrêtent face aux CRS qui gardent DPF, c’est clair : nous sommes plus forts ! Prises de parole sans appel : on continue jusqu’au retrait ! C’est alors qu’un jeune excité foncera sur la foule en train de se disperser et enverra un camarade dans le coma...
Du pétrole aux déchets
Valls ne veut rien lâcher ? Nous non plus ! C’est au tour des déchets d’entrer dans le mouvement. Le 8 juin au matin, plusieurs centaines de véhicules partent vers l’incinérateur de Marseille implanté à Fos. Les salariés de l’équipe du matin votent la grève à 100 %. Leur sortie de l’usine, saluée chaleureusement par les centaines de camarades présents, restera gravée dans les mémoires… Les équipes suivantes et même les cadres de la CGC les rejoignent. Rapidement, d’autres sites du secteur suivent. Seuls les éboueurs de Marseille, très largement syndiqués FO (dont Gaudin est membre d’honneur !) continueront le travail…
La CGT du département a appelé à deux jours de grève générale les 23 et 24 juin. Une chose est claire : le rapport de forces a changé, les militantEs ont retrouvé le chemin de la mobilisation, et la position reste ferme : retrait de la loi travail !
Véro du NPA 13