Publié le Mercredi 15 avril 2020 à 10h09.

La subordination des salarié·E·s considérablement accrue

Les dispositions prises avec célérité par le gouvernement en matière de droit du travail renforcent la subordination des salariéEs aux patrons et amenuisent les moyens de se défendre.Les mesures les plus autoritaires concernent les jours de congés payés et de réduction du temps de travail et la durée du travail :– Les salariéEs pourront se voir imposer jusqu’à seize jours de congé ou de repos avec un délai de prévenance dérisoire d’un jour franc. Cela leur permettra certes de toucher 100 % du salaire, mais au prix d’une intensification future du travail qu’il faudra fournir en contrepartie. Par ailleurs il s’agit d’un véritable hold-up : ces jours ne sont pas un cadeau du patronat, qui les a concédés grâce à la lutte, et ils n’ont pas vocation à compenser un confinement imposé par l’incurie des pouvoirs publics. Le pire, c’est que des syndicats s’y plient comme dans la métallurgie où s’est conclu un accord portant royalement le délai de prévenance à… deux jours ;– Dans certains secteurs fixés par décret, il ne faudra plus d’autorisation administrative pour travailler le dimanche ou porter les durées du travail quotidien, hebdomadaire ou de nuit à leurs maxima absolus. On imagine bien les âpres discussions de coulisse qui doivent avoir lieu pour obtenir le privilège de figurer sur la liste des secteurs dérogatoires, encore en attente : car faire travailler davantage c’est augmenter l’exploitation absolue et se garantir une meilleure part d’un gâteau en diminution du fait de la récession, quitte à exposer les salariéEs aux accidents et à l’épuisement professionnel.

Le Medef demande toujours plus

Autant de perches saisies par Geoffroy Roux de Bézieux, patron du Medef, qui réclame maintenant de s’occuper des jours fériés et de la durée du travail pour compenser le manque à gagner… à l’instar de Pedro Sanchez, président du gouvernement de l’État espagnol qui envisage le rattrapage des heures perdues du fait du confinement, soit une augmentation de fait de la durée légale du travail.

Puisque par ordonnance ou décret tout le code du travail est aussi rapidement modifiable, d’autres choix étaient évidemment possibles. Par exemple, interdire les ruptures de contrat de travail et sanctionner les abus, ajouter au code du travail un chapitre spécial précisant secteur par secteur les activités indispensables et les mesures impératives de protection de la santé des salariéEs exposés au virus, doter l’inspection du travail de pouvoirs coercitifs comme un arrêt d’activité, organiser les embauches par la réduction du temps de travail...

Mais sans surprise c’est l’inverse qui est fait. Le maintien des contrats de travail se fait par le chômage partiel qui n’a nullement dissuadé au début du confinement les ruptures abusives, de période d’essai notamment. Les salariéEs pourront toujours contester aux prud’hommes… dont une majorité est fermée. Des cas de fraude de patrons qui cumulent illégalement chômage partiel et télétravail en faisant baisser les salaires sont détectés… mais les services instructeurs ne peuvent rien faire car ils manquent d’effectif et passent leur temps à tenter d’absorber le flux de demandes d’indemnisation. Le recours au chômage partiel, financé par les impôts, aurait pu être interdit aux grands groupes… mais ceux-ci en bénéficient et peuvent ainsi conserver leurs profits, comme le Printemps (détenu par un fonds d’investissement lié à l’État du Qatar) ou les constructeurs automobiles.

Inspection du travail débranchée

Cerise sur le gâteau, le gouvernement a débranché l’inspection du travail, déjà décimée par les suppressions de postes et la faiblesse habituelle de ses pouvoirs. Elle est en bonne voie d’anéantissement, et ce de manière organisée par consignes internes imposant un véritable régime de caserne. Les contrôles inopinés sont interdits et sont de toute façon difficiles puisque le ministère du Travail ne donne pas de masques aux inspecteurEs du travail. Les contrôles autorisés sont ceux répondant aux exigences de communication du gouvernement sur certaines situations médiatisées (Amazon) et après contact préalable avec l’entreprise. Les chefs rappellent à l’ordre les collègues qui osent faire leur travail, imposent un droit de veto sur les suites à contrôle ou exercent des pressions de toute sorte – quitte à s’asseoir sur certains principes de la démocratie bourgeoise, comme dans le Nord où la hiérarchie a tenté d’entraver une procédure judiciaire engagée par un inspecteur du travail en écrivant directement au président du tribunal !