La privatisation a accéléré la multiplication des statuts et la précarisation des personnels. Prenons l’exemple concret d’un centre de distribution du courrier : celui du 15e arrondissement de Paris. La part des fonctionnaires y est devenue largement minoritaire (moins d’1/3 des 250 agents du bureau), les agents en CDI sont en relative majorité. Relative, car en quelques années, les contrats précaires ont fleuri (CDD, intérim...). Ainsi, en moyenne, 10 à 20% des effectifs sont intérimaires, dont quelques CDI intérimaires (souvent une demande de La Poste à la boîte d’intérim). Le recours aux CDD, autrefois fortement utilisé, a dorénavant baissé, du fait notamment de recours prud’hommaux qui ont requalifié en CDI certains CDD. L’intérim, pour l’employeur, étant jugé moins risqué juridiquement. Pas encore de GEL (Groupement d’employeurs logistiques), certains postes sont sous-traités : nettoyage, restauration, mais cela reste en deça du Colis (qui atteint 90% de sous-traitance en Ile-de-France).
Collectif de travail fragilisé
Le développement massif et rapide de l’intérim, et de la précarité en général, fragilise évidemment les collectifs de travail. Le turn-over permanent perturbe les processus de socialisation, de solidarité et d’entraide. La participation aux mouvements de résistances et de contestation – prises de paroles, AG, délégation de masse, piquets de grève – est rendu difficile au vu des risques de fin de contrat. Et cela diminue de fait le rapport de forces global. Les syndicats ne prennent pas à bras-le-corps cette donnée de la précarité, certainEs militantEs se sentent démunis.
Lutter contre la précarité : une priorité militante
Il est devenu incontournable, pour les équipes militantes, d’intégrer les personnels précaires dans les stratégies syndicales. D’une part pour renforcer les collectifs ouvriers de lutte, mais aussi pour imposer des emplois en CDI. Paradoxalement, certains intérims, n’ayant connu que la précarité, sont bien plus « rebelles » que certains CDI ou fonctionnaires, et n’hésitent pas à contester les ordres et envoyer balader les chefaillons. Par contre, il n’y a pas de culture collective, et cela est limité à l’acte individuel. Sur Paris 15, malgré quelques embauches en CDI, les dernières mobilisations n’ont pas réellement prise sur cette question de lutte contre la précarité. C’est aussi sûrement une limite des luttes locales d’un seul bureau.
L’écoute et la sympathie évidentes de nombreux intérimaires en décembre et janvier (lors des prises de parole, diffusions de tracts), le respect que parfois ils et elles imposent aux chefs, tout cela démontre une disponibilité pour nos idées et pratiques. Malgré les difficultés objectives, organiser les précaires est possible, y compris en passant par des syndicats de l’intérim. Envisager et travailler à des luttes communes des CDI et précaires (pour exiger des CDI par exemple), devrait être une préoccupation syndicale. En cela, la lutte victorieuse des grévistes sans-papiers de Chronopost Alfortville est exemplaire !