De quoi parle-t-on ?Les statistiques officielles donnent plus de 650 000 licenciements par an, répartis en deux catégories. D’abord, 190 000 licenciements juridiquement économiques, ceux que le patron justifie par la situation économique de l’entreprise. Ensuite, environ 460 000 licenciements pour « motifs personnels » : pour des motifs disciplinaires (« faute » du salariéE qui peut renvoyer à beaucoup de choses, y compris à une grève) ; pour une inaptitude professionnelle, qui peut découler d’un accident du travail ou au fait de fixer à un salariéE des objectifs inatteignables (en 2013, 63 700 personnes se sont inscrites à Pôle emploi à la suite d’un licenciement pour inaptitude physique) ; pour un refus par le salariéE de la modification substantielle de son contrat de travail (le salaire, la durée du travail, la qualification, les attributions du salariéE).À cela, il faut y ajouter 360 000 ruptures conventionnelles qui supposent un accord volontaire du salariéE... mais la réalité est bien différente. Souvent, le salariéE est placé dans une situation impossible ou placardisé, voire menacé de licenciement pour faute, pour l’amener à accepter la rupture. Il y a aussi le cas des salariéEs qui n’ont que quelques années à faire avant la retraite.Enfin, il y a chaque année un nombre indéterminé de suppressions d’emplois sous forme de « départs volontaires ». Les grandes entreprises recourent de plus en plus à des « plans de départs volontaires » au lieu de faire des plans sociaux. Les exemples en sont nombreux : SFR (pour près de 5 000 emplois en août 2016), mais aussi Air France, PSA ou encore IBM. Les salariéEs acceptent bien souvent car ils pensent que, d’une façon ou d’une autre, leur poste sera supprimé.
Qu’y a-t-il derrière ?Derrière toutes ces techniques juridiquement différentes, il y a fondamentalement l’inégalité entre salariéEs et patrons dans ce système. Le salariéE travaille, produit des richesses mais est suspendu au bon vouloir de son patron qui peut le priver de son emploi en fonction de ses propres choix. Certes, il y a les règles du code du travail, mais la protection qu’elles offrent est limitée. Un salariéE licencié peut toujours aller devant les prud’hommes (en fait très peu le font), mais cela prendra des années... En attendant, il n’a plus d’emploi. Cette protection est de plus en plus ébréchée par les nouvelles lois (comme la loi El Khomri).De plus, les patrons ont les moyens de la contourner. C’est pour cela que se multiplient les plans de départs volontaires. Pour le patron, il y a deux avantages : une meilleure image et moins de contraintes (moins de consultations des représentantEs du personnel, etc.). Il peut définir plus librement le périmètre d’activités où il veut supprimer des emplois, et n’a pas à proposer de reclassements internes ou à respecter de préavis. Le plan de départs volontaires permet d’éviter les contentieux.En fait, la racine commune, c’est le pouvoir unilatéral des patrons et la recherche du profit à laquelle tout est subordonné dans cette société.
Interdire les licenciementsLes résistances aux licenciements et suppressions de postes ont deux faces. L’une visible, correspondant à la partie émergée de l’iceberg des suppressions d’emplois, relativement médiatisée, met en lumière les luttes contre les prétendus Plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Au fil des années, depuis les Lips de 1973, mineurs, sidérurgistes, salariéEs du textile, de l’électronique, etc. ont, avec plus ou moins de succès, lutté pour sauver leurs emplois. Récemment les Contis, les PSA, les Goodyear, ont écrit de belles pages de lutte contre l’arbitraire patronal, seul décideur de notre droit à l’emploi, de notre droit à vivre de notre de travail. Depuis les Galeries Lafayette en 1996 jusqu’à Schneider à Merpins en juillet dernier, en passant par Mory-Ducros ou Continental, même la justice a parfois jugé infondés des licenciements.L’autre face est faite des résistances au quotidien face aux multiples méthodes mises en œuvre par les employeurs pour se débarrasser des indésirables. Dans une situation où le chômage est maintenu à un niveau insupportable, tous les salariéEs sont fragilisés, avec ce que cela peut entraîner de fatalisme. Les militantEs syndicaux sont constamment sollicités pour des défenses individuelles, avec des procédures dans lesquelles la formule « sanction pouvant aller jusqu’au licenciement » est devenue banale.C’est bien l’ensemble de ces attaques qui justifie notre combat pour l’interdiction des licenciements, de tous les licenciements. Pour le patronat, pour les gouvernements (avec les nouvelles facilités accordées par la loi travail), il s’agit là d’une prérogative qu’ils excluent de remettre en cause. Les succès partiels, provisoires, restent soumis en permanence aux lois de la concurrence et du profit. En s’appuyant sur la mobilisation avec grèves et manifestations, une longue bataille juridique, un gros chèque qui « fait cracher » le patron, une reprise par d’autres actionnaires, l’intégration ou le retour dans le groupe donneur d’ordres, la création d’une SCOP, une victoire aux prud’hommes... Autant de pistes qui, en fonction du rapport de forces local, national, doit nous permettre de concrétiser notre refus de l’arbitraire patronal, notre refus de tout licenciement.