Entretien avec Pierre Garnodier, secrétaire du comité national CGT des privéEs d’emploi et des précaires.
Comment s’annonce le 5 décembre, journée traditionnelle de mobilisation des chômeurEs et privéEs d’emploi ?
La CGT des privés d’emploi et des précaires y participe et organise une journée nationale de mobilisation avec des manifestations prévues dans de nombreuses villes notamment à Paris et dans 30 villes dans toute la France : Rennes, Lille, Nancy, Lyon, Bordeaux, Marseille, Le Havre, Troyes, Rodez...
Peux-tu rappeler d’où vient cette date du 5 décembre ?
Chaque année une journée de mobilisation des chômeurEs est organisée le 5 décembre. C’est la 18e manifestation nationale depuis les années de lutte des chômeurEs de 1997 et 1998, autour de la prime de Noël. Pour nous c’est toujours important de se mobiliser à cette date parce que la société n’est toujours pas débarrassée du chômage que le patronat et le gouvernement ont toujours intérêt à organiser. C’est aussi pour rappeler que, quand les privéEs d’emploi sont mobilisés avec leur organisation syndicale, on peut obtenir des droits. Comme chaque année depuis 1998, les privéEs d’emploi auront droit à la prime de 150 euros pour une personne seule et plusieurs centaines pour une personne avec des enfants (442,10 euros pour un couple avec 4 enfants).
Mais cette année il y a aussi la réforme engagée par le gouvernement. Peux-tu en rappeler les mesures les plus régressives ?
Il y deux points particulièrement graves. Tout d’abord, les barrières d’accès aux droits, c’est-à-dire les conditions d’ouverture : le nombre de mois de travail nécessaire pour l’ouverture des droits passe de quatre à six mois, soit de 610 à 910 heures, ce qui va exclure 400 000 travailleurEs de toute indemnisation.
Ensuite la modification du mode de calcul du salaire journalier de référence avec la prise en compte des jours non travaillés. Pour les travailleurEs précaires qui alternent emploi et chômage leur indemnisation aurait pu être divisée par deux ou trois. Sur ce second point, nous avons remporté une première bataille avec la décision du Conseil d’État d’entacher d’illégalité ce nouveau mode de calcul suite au recours réalisé par la CGT et Solidaires.
Quelle est la réalité du chômage aujourd’hui ?
Malgré les pinaillages sur les chiffres, la tendance lourde depuis 2008 est à l’aggravation du chômage. On a tous en tête les exemples d’Arcelor Mittal à Florange, Goodyear à Amiens ou plus récemment Ford à Blanquefort. Il ne se passe pas un jour sans que tombe un PSE. Depuis 2008, c’est la casse de l’outil industriel et les suppressions d’emplois y compris dans le secteur public. Depuis 2007 et la révision générale des politiques publiques, il y a le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Une casse des services dont on voit bien dans la période actuelle les conséquences dans le service de santé, incapable de répondre aux besoins de soins de la population.
Un chômage de masse de moins en moins conjoncturel et toujours plus structurel. À cette casse de l’emploi s’ajoute une casse des droits sociaux comme par exemple la réforme des retraites. Celle de 2010 qui a repoussé l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans : de plus en plus de chômeurEs de plus de 55 ans se retrouvent durablement privés d’emploi. La durée d’inscription de plus de deux ans à Pôle emploi n’a fait qu’augmenter avec, par exemple, une part des chômeurEs de plus de 55 ans qui a plus que doublé depuis 2010. Une casse de l’emploi et des droits sociaux qui justifient plus que jamais nos revendications pour une assurance chômage qui indemnise 100 % des privéEs d’emploi et donc l’annulation de la réforme et, au-delà, la mise en place d’une Sécurité sociale intégrale telle que le défend la CGT confédéralement. C’est-à-dire un revenu de remplacement quand on n’est pas au travail (maladie, vieillesse, chômage), une reconquête des services publics pour qu’ils puissent répondre aux besoins de la population avec des politiques de l’emploi et un système de formation professionnelle qui permettent aux travailleurEs de s’adapter aux mutations de l’emploi notamment pour les plus âgés.
Le chômage c’est aussi une dégradation du niveau et des conditions de vie...
C’est un terrible basculement de masse de la précarité à la pauvreté. Ainsi, pendant le confinement, des salariéEs précaires, à temps partiel, ne peuvent ouvrir des droits car ils n’ont pas suffisamment travaillé et ont basculé dans l’enfer des minimas sociaux avec une explosion des chiffres du RSA. C’est le basculement dans la grande pauvreté, avec loyers et électricité impayées, avec risque d’expulsion et coupures de courant.
Pour sortir les travailleurEs de la pauvreté il faut des dispositifs réellement protecteurs contre tous les risques de la vie notamment le chômage. Tout en rendant les chômeurEs responsables de leur situation, le gouvernement met en place une politique répressive : augmentation des contrôles sur les secteurs en tension (bâtiment, social et médico-social). Pôle emploi impose la modification des projets personnels de retour à l’emploi (PPAE) pour ces postes quand bien même cela ne correspondrait pas aux formations initiales. Par exemple, à une privée d’emploi ayant fait des études d’architecte d’intérieur qui n’a pas trouvé de travail dans son domaine, Pôle emploi a voulu imposer de modifier son PPAE pour qu’elle soit auxiliaire de vie.
La pression de la misère rend plus difficile toute la vie. Il n’est pas possible de chercher un emploi quand on est au RSA. La vie quotidienne devient un combat, pour se nourrir, nourrir sa famille. La misère est un frein au retour à l’emploi. Des camarades qui habitent dans des zones péri-urbaines ou rurales qui survivent avec le RSA c’est-à-dire avec 564 euros, Pôle emploi peut leur proposer une offre d’emploi à 15 ou 20 km de leur domicile à laquelle il ne ne peuvent pas postuler parce que la voiture est en panne, qu’ils ne peuvent pas mettre de l’essence. Au total c’est une trappe à misère, la misère enferme durablement les privés d’emploi dans le chômage. Aussi nous exigeons des emplois et des droits sociaux plus élevés pour permettre aux privéEs d’emploi de sortir de leur situation.
Les mobilisations sont souvent facilitées par l’unité des organisations...
La mobilisation est appelé unitairement par l’ensemble des organisations de chômeurEs. Un autre manifestation est envisagée plus tard, en mars. Nous sommes engagés dans la construction d’un front social contre la politique réactionnaire du gouvernement avec les camarades des coordinations de sans-papiers, des collectifs de victimes de violences policières dans les quartiers populaires... Ce sont les mêmes personnes qui sont concernées par la précarité, la misère et les violences policières. Nous travaillons à des convergences au-delà de nos divergences, contre la politique répressive du pouvoir imposée y compris par la violence. La CGT y travaille en tout cas ainsi que toutes ses composantes, UD, comité national des privéEs d’emploi, fédérations. Une convergence nécessaire, salutaire. Pas une convergence artificielle mais il nous faut trouver trouver le dénominateur commun qui nous permette de tous nous rassembler autour de la Sécurité sociale attaquée. En ce qui concerne la CGT, la Confédération appelle aux manifestations et nos structures locales, d’entreprises, travaillent à la mise en place de bureaux d’embauche entreprise par entreprise.
Propos recueillis par Robert Pelletier