Le scandale autour de la scolarisation à Stanislas des enfants de la nouvelle ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra, est révélateur des pratiques de cette grande bourgeoisie qui entoure Macron, combinant mépris pour le service public et séparatisme de classe.
Le scandale n’est pas seulement que la ministre (à temps partiel) de l’Éducation nationale fasse si peu confiance à l’école publique qu’elle n’y scolarise pas ses enfants, il réside aussi dans la défense manipulatoire et mensongère de la ministre. Elle a choisi de s’en servir comme prétexte pour attaquer les enseignantEs et l’école publique, en se dépeignant en mère d’élève désespérée par les « paquets d’heures non remplacées » par ces fainéantEs de profs.
La suite est connue : on apprend dès le lendemain que la ministre a menti, que durant les brefs six mois qu’a passés le petit Vincent à l’école maternelle Littré, il n’y a pas eu d’absences non remplacées. Ce qui n’est guère étonnant pour une école, certes publique, mais située dans l’un des arrondissements les plus bourgeois de la capitale, le 6e. Qu’aurait-elle dit si elle avait habité, par exemple, le 93, où les écoles manquent structurellement de tout, de remplaçantEs, de personnelEs médico-sociaux et surtout de considération ?
Au-delà du mensonge, il y a une hypocrisie immense à dénoncer le non-remplacement des enseignantEs, alors que le bilan des années Macron pour l’Éducation aura été celui de milliers de suppressions de postes, donc de moyens de remplacements, et d’une dégradation accentuée des conditions de travail. Oudéa-Castéra, c’est le pompier pyromane qui s’étonne que la maison brûle.
Pas n’importe quel privé
Elle n’est certes pas la première ministre de l’Éducation de Macron à avoir mis ses enfants dans le privé : on se souvient de Pap NDiaye dont les enfants fréquentent l’École alsacienne. Le choix de l’école privée lorsqu’on est ministre est-il politique ? Il l’est, et plus encore lorsqu’il s’agit d’un établissement comme Stanislas, qui se distingue par son entre-soi. Les chiffres sont sans appel : au collège Stanislas, 0,4 % des élèves viennent de milieu défavorisé contre 90 % de milieu très favorisé. Même pour Paris, c’est vertigineux. Mais ce n’est guère étonnant pour la ministre issue de la très grande bourgeoisie et qui, comme son mari, a officié à la tête d’entreprises, notamment du CAC 40, de la Société générale à Sanofi, en passant par Carrefour.
En plus de son séparatisme de classe, Stanislas se distingue aussi par ses pratiques réactionnaires issues de l’intégrisme catholique. Homophobie, activisme anti-IVG, brutalité pédagogique… L’établissement est d’ailleurs sous le coup d’une enquête de l’Inspection générale de l’Éducation, qu’Attal, comme Oudéa-Castéra, se sont bien gardés de rendre publique, tout en minimisant les dérives qui y sont dénoncées. Pas de chance, Mediapart l’a fait pour eux. La ministre a beau expliquer qu’elle se dessaisit du dossier, le conflit d’intérêts est flagrant.
Le laxisme dont bénéficient les pratiques scandaleuses de Stanislas choque d’autant plus lorsqu’on voit l’acharnement de l’État contre le lycée privé sous contrat musulman Averroès, à Lille, alors même que les dérives supposées étaient de moins grande ampleur. C’est révélateur du poids du lobby catholique intégriste et de l’islamophobie au sein du gouvernement Macron.
Et l’argent public, alors ? Qui contrôle ?
La ville de Paris a décidé de suspendre sa subvention à Stanislas, dans l’attente des conclusions de l’enquête menée par le ministère. C’est la moindre des choses. On attend que le Conseil régional, dirigé par Valérie Pécresse, en fasse de même, elle qui arrose l’établissement privé chaque année bien au-delà de ce que prévoit la loi.
Le scandale Oudéa-Castéra aura eu au moins le mérite de redonner de la visibilité au problème de ces établissements privés réservés à une élite, qui bénéficient pourtant très largement des subventions de l’État. Et ce que le privé reçoit, c’est autant d’argent en moins pour l’enseignement public. Il s’agit d’une redistribution à l’envers : l’argent public pour financer l’éducation de quelques-uns.
La démission d’Oudéa-Castéra est une exigence morale et démocratique, mais il ne faut pas s’arrêter là. Il faut remettre en question l’existence d’établissements comme Stanislas, qui pratiquent le séparatisme scolaire tout en servant à la reproduction des idéologies les plus réactionnaires.