Pas de retour au calme. Depuis la non-rentrée du 26 février, le mouvement dans le 93 prend de la force. Cette deuxième semaine a été marquée par la reconduction de la grève dans plusieurs collèges et par une grève massive le 7 mars.
À l’appel de l’intersyndicale du 93, près de 60 % des profs du secondaire et 45 % dans le premier degré étaient en grève. Des chiffres qui montrent l’ampleur de la colère et de la détermination. Une grève vivante, dynamique, à l’image de la manifestation parisienne qui a réuni 4 500 personnes en direction du ministère. La lutte s’est aussi étendue à des formes diverses, pour inclure parents et élèves : réunions publiques, déambulations le samedi, journées écoles désertes, expo photos sur l’état désastreux du bâti… Et même des vidéos sur les réseaux sociaux ! Comme celle du lycée Blaise-Cendrars de Sevran qui a fait plus de 2 millions de vues sur TikTok en 4 jours. Quelque chose se passe !
358 millions d’euros pour le 93
Que demande le 93 ? Un plan d’urgence, chiffré par celles et ceux qui y travaillent, au plus près des besoins d’un département qui reste toujours largement sous-doté alors qu’il est celui qui concentre le plus de difficultés. 358 millions d’euros pour des remplaçantEs, des classes moins chargées, des moyens en vie scolaire, des personnels médicaux et sociaux. Une broutille comparée aux deux milliards que coûterait la généralisation de l’uniforme, ou encore à l’argent versé par l’État au privé sous contrat élitiste, comme Stanislas…
Battre la réforme inégalitaire d’Attal
Si la grève est aussi forte dans les collèges, c’est évidemment à mettre sur le compte de l’opposition à la réforme du « choc des savoirs » et aux groupes de niveaux. Pour les collègues mobiliséEs, il n’y a pas de contradiction entre se mobiliser, dans le 93, pour des moyens, et lutter contre une réforme inégalitaire qui frappera plus durement qu’ailleurs les élèves du département. Le plan d’urgence apparaît comme un moyen de (re)faire fonctionner le collège unique et son hétérogénéité, à rebours du projet d’Attal de revenir sur cinquante ans de démocratisation scolaire.
Ce mouvement n’est pas sans rappeler celui de 1998, qui en deux mois de grève avait permis d’obtenir cinq milliards de francs pour 3 000 postes d’enseignantEs, 5 000 postes d’assistants pédagogiques et de nombreuses garanties de moyens pour le 93, qui ont été peu à peu grignotés par la suite.
Rétropédalage de Belloubet et recadrage
Face à la détermination des personnels de l’éducation, largement médiatisée, la ministre a déjà été contrainte de réagir. Jeudi, jour de la journée d’action du 93, elle a annoncé des assouplissements de la réforme : suppression de la mention « groupe de niveau » dans les textes, et possibilité pour les établissements de panacher temps en groupe et classe entière. Sans être une victoire, cela pourrait être une brèche très sérieuse dans la réforme et la possibilité de commencer à la contester au niveau local dans les collèges où le rapport de forces serait suffisant. Pourtant, dès le lendemain, Gabriel Attal a recadré sa ministre, droit dans ses bottes : il y aura bien des groupes de niveaux dès la rentrée prochaine, sur toutes les heures de maths et de français. Un camouflet pour Belloubet dont on se demande pourquoi elle ne démissionne pas, mais surtout le signe d’une fébrilité du gouvernement, qui nous encourage à poursuivre la lutte.
Dès cette semaine, et encore plus à partir du 19 mars, tout va se jouer. C’est vrai dans le 93, qui tient entre ses mains la possibilité historique de gagner un nouveau plan d’urgence, mais également dans les autres départements, avec l’espoir d’un grand embrasement de l’Éducation nationale et d’une grève reconductible qui commencerait dès le mardi 19. Il est temps !
Raphaël Alberto