Dans l’éducation nationale, la contractualisation est au cœur du projet macroniste pour l’école. L’annonce de la généralisation de l’expérimentation marseillaise, avec un mode de recrutement des enseignantEs interne aux établissements, la valorisation des cités éducatives et des contrats locaux d’accompagnement (CLA) le démontrent.
La logique est de subordonner les moyens humains et financiers aux résultats à des évaluations des établissements ou des élèves. Ce pilotage par les résultats s’appuie sur d’autres leviers : participation de la hiérarchie, notamment celle nouvellement créée dans le primaire, au recrutement, multiplication des postes à profils pour s’assoir sur les règles des mutations…
Une école à plusieurs vitesses
Cette conception de l’éducation a deux conséquences. Premièrement, mettre en concurrence les établissements qui voudront répondre aux mieux aux demandes pour bénéficier de moyens. Et par conséquence mettre sous tutelle la liberté pédagogique des enseignantEs. Deuxièmement, mettre en concurrence les personnels entre elles et eux. En changeant la conception des dotations, le ministère avance un peu plus dans un démantèlement total de l’Éducation nationale et la création d’une école à plusieurs vitesses.
À cela s’ajoute la réforme de la formation initiale des enseignantEs. Elles et ils doivent désormais avoir un master (bac + 5) et avoir effectué des période de stage en responsabilité, rémunérés entre 124 et 400 euros par mois selon la durée sur laquelle ils seront effectués. Enfin, un nouveau statut est créé, celui des alternants-fonctionnaires stagiaires devant les élèves pour 722 euros par mois dans des conditions qui varieront évidemment d’une académie, d’un établissement, d’une école à l’autre… Bien sûr ces futurs collègues en formation, donc sous pression permanente, remplaceront des postes de fonctionnaires qui disparaîtront. Cet empilement de statuts et de situations précaires n’a pas tant pour objectif la formation des futurs enseignantEs que l’éclatement de la cohésion des salles de profs, déjà largement mise à mal par les pratiques managériales de gestion des « ressources humaines » des rectorats.
Job dating
Pas étonnant dès lors qu’il y ait de moins en moins de candidatEs aux concours1. Pour préparer la rentrée, les académies déficitaires comme Versailles et Paris ont lancé des campagnes de recrutement de contractuelEs à grand renfort médiatique de « job dating ». Une demi-heure pour vérifier si unE titulaire d’un diplôme à bac + 3 peut se découvrir une vocation pour l’enseignement, en sachant qu’ensuite il ou elle devra se débrouiller pour obtenir un master (deux ans d’études) pour devenir titulaire. ContractuelEs qui se verront par ailleurs, lors de leur entretien de recrutement, obligéEs de négocier leur salaire, puisque la rémunération sera individualisée selon le parcours de chacunE. Cela pourrait sembler ubuesque de dresser de tels parcours d’obstacles quand on se souvient d’une époque où l’École normale formait en trois ans des bachelierEs rémunérés. C’était il est vrai au siècle précédent, tellement loin des esprits innovants qui fourmillent au ministère dit de l’Éducation nationale.
- 1. Voir l’Anticapitaliste n° 617 (26 mai 2022).