Plutôt que de prendre des mesures responsables face à la crise sanitaire qui frappe de plein fouet cette rentrée 2020, le ministre préfère se mêler de la façon dont les filles s’habillent à l’école.
Cela ressemble à une (mauvaise) blague… Et pourtant. Plusieurs lycéennes ayant eu à subir des remontrances sur leur tenue vestimentaire, ou choquées par des règlements intérieurs qu’on croirait sortis d’un autre âge, ont décidé ces dernières semaines de ne plus se taire. Leur ras-le-bol a débouché sur le hashtag #14septembre, date à laquelle toutes les élèves étaient invitées à s’habiller comme elles le souhaitaient pour défier un certain ordre scolaire qui entend se mêler de la façon dont les filles ont le droit, ou pas, de s’habiller.
Il faut donc, une fois de plus, rappeler que « trop couvertes ou pas assez, c’est aux femmes de décider », y compris dans les établissements scolaires. Et que lorsqu’on renvoie chez elle une jeune femme au motif que sa tenue troublerait l’attention des garçons, on lui signifie que son éducation est moins importante que celle de ses camarades masculins. Le combat antisexiste dans l’éducation nationale a de beaux jours devant lui.
Jean-Michel Sexiste
Bien évidemment, le très réac Blanquer ne pouvait pas laisser passer cette occasion de s’illustrer. « Il faut s’habiller normalement et tout ira bien », a-t-il donc martelé, avant de préciser sa pensée lundi dernier : « normalement », c’est-à-dire… « de façon républicaine ». Serait-ce donc la république qui l’obligerait à faire du paddle et des barres parallèles en costume-cravate ? Voilà qui fait réfléchir.
En tout cas, cette polémique tombe à pic pour éviter de tirer les leçons d’une rentrée bien plus catastrophique que ce que le discours officiel entend nous faire croire. Jeudi 17 septembre, en conférence de presse, le ministre Olivier Véran a accompli un grand écart digne de Jean-Claude Van Damme en annonçant, d’un côté, que l’épidémie repartait fortement à la hausse et, de l’autre, qu’il fallait assouplir le protocole sanitaire dans les écoles.
Cela s’est traduit, dans les faits, par une restriction de la liste des symptômes nécessitant un test, ainsi que par la redéfinition de la notion de « cas contact », excluant les enseignantEs et les camarades de classe d’un élève testé positivement au Covid. L’urgence, c’est d’éviter que davantage d’écoles et de classes ne ferment, alors qu’il y avait, à la date du 17 septembre, 89 établissements et plus de 2 100 classes fermées.
Pour bien des profs, inquiets pour leur santé comme celle de leurs élèves, c’est le signe que le gouvernement a décidé de jouer avec leurs vies, par cynisme et calcul économique. En effet, celui-ci a fait un pari, en s’appuyant uniquement sur les études scientifiques qui minimisent le plus la contagiosité des enfants, alors même que d’autres études, menées par exemple aux États-Unis, obtiennent d’autres résultats.
Nul ne peut prédire, à ce stade, de quoi les prochaines semaines et les prochains mois seront faits. Mais en tournant le dos au principe de précaution et en décrétant qu’en quelque sorte, comme pour le sexisme, « il suffit de s’habiller normalement et tout ira bien », Castex, Blanquer et Véran placent les personnels de l’Éducation nationale dans une situation intenable.
Christine Renon, ni oubli ni pardon
C’était il y a un an. Le 21 septembre 2019, Christine Renon, directrice d’école à Pantin dans le 93, se donnait la mort dans son école, juste après avoir mis des mots sur la souffrance engendrée par une politique qui broie et qui épuise les profs comme les élèves.
On ne sait pas si Blanquer, qui avait eu tant de réserve, ne serait-ce qu’à prononcer son nom, pensera à elle en ce jour anniversaire. Mais nous, nous ne l’oublions pas. À l’heure où la seule réponse face à la pandémie est une politique d’irresponsables, à l’heure où rien ne semble arrêter le bulldozer des réformes décidé à raser tout ce qui reste d’équité, la lettre de Christine Renon résonne aujourd’hui avec encore plus de force qu’hier.