Une fermeture des universités qui a eu lieu dans un contexte explosif
L’annonce de la fermeture des universités par Macron le 12 mars est tombée une semaine seulement après la mobilisation d’ampleur du 5 mars dans l’Enseignement supérieur et la Recherche (ESR).
Des milliers d’enseignant·es, doctorant·es, précaires, BIATSS et étudiant·es étaient sorti·es dans la rue pour protester contre la réforme des retraites, la réforme de l’assurance chômage et la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). C’est ce dernier projet de loi qui a mis le feu aux poudres : une nouvelle étape de la politique qui se poursuit depuis des années et qui vise à mettre le service public d’enseignement supérieur et de recherche au service de la course au profit : réduction des coûts, privatisation des secteurs rentables et prise de contrôle sur les orientations de la recherche.
Le Covid-19 : révélateur de la faillite de leur politique de recherche
La politique menée dans l’ESR depuis 30 ans explique en grande partie le retard pris dans la recherche en immunologie ou sur les virus de type Covid-19. Des chercheurs comme Bruno Canard, directeur de recherche au CNRS, travaillant sur les virus ou encore Gérard Chaouat immunologiste, chercheur CNRS, expliquent bien la situation : le retard pris depuis 2003 dans la recherche sur les coronavirus est directement lié à une politique de financement de la recherche par appels d’offres qui oriente les travaux vers des sujets « en pointe », « prioritaires », à la mode ou « susceptibles de débouchés importants »… Cette politique, dénoncée par l’ensemble des chercheur·es ne permet pas d’engager des programmes ambitieux et de long terme et enferme la recherche dans des stratégies court-termistes (produire un résultat rapidement) et répétitives (on reproduit ce qui a déjà donné des résultats pour être sûr d’en obtenir à nouveau…).
La recherche sur les coronavirus depuis 2003 aurait dû consister en une multiplication de projets exploratoires qui nous aurait permis d’être en capacité de réagir rapidement face à l’apparition d’un nouveau virus comme le Covid-19.
Si l’on veut une recherche qui fonctionne et réponde aux besoins de la population, il faut la dégager des logiques compétitives, des financements privés et de la précarisation permanente de ses personnels.
Une continuité pédagogique en trompe-l’œil
Depuis la fermeture des universités et à l’instar de Jean-Michel Blanquer, les présidents d’université n’ont qu’un mot à la bouche : la continuité pédagogique.
Depuis des années, on aurait aimé entendre parler de « continuité pédagogique » quand des étudiant·es se voient retirer leur titre de séjour, quand ils se retrouvent sans toit, sans emploi, sans argent pour se nourrir et quand leur présence en cours est si rare parce qu’ils doivent travailler.
Aujourd’hui, alors que les universités sont fermées, que signifie cette « continuité pédagogique » ? Si les enseignant·es ou les personnels peuvent bien entendu maintenir un lien, pédagogique ou de soutien, avec les étudiant·es, il ne peut s’agir de continuer d’enseigner comme avant. Face au confinement, les inégalités se creusent et se trouvent exacerbées : inégalités sociales, scolaires, territoriales, de langue, numériques...
Alors que bien des enseignant·es et des personnels doivent aussi assurer la garde de leurs enfants et organiser leur vie de confiné·es, les injonctions quasi quotidiennes des directions d’université à la « continuité pédagogique » sont autant de facteurs anxiogènes et culpabilisants alors que l’urgence est avant tout sanitaire et au respect des droits des salarié·es.
Et que dire des examens en ligne qui ont déjà lieu dans certaines universités après seulement 2 semaines de confinement ? Ces épreuves se déroulent dans des conditions aberrantes : les services informatiques ne peuvent suivre, les étudiant·es n’ont pour certain·es pas les outils informatiques nécessaires, les aménagements d’examens pour les étudiant·es en situation de handicap ne sont pas respectés...
En vantant les mérites des applications numériques privées (et onéreuses), les directions d’université et les directions d’UFR veulent produire, coûte que coûte, des diplômes, en s’affranchissant des procédures et des règlements. La loi d’urgence sanitaire votée le 23 mars permet d’ailleurs aux directions de faire à peu près ce qu’elles veulent en termes d’examens.
Et la continuité des salaires ?
Une partie de l’effort de « continuité pédagogique » repose sur les précaires (vacataires notamment). Le ministère vient pourtant de diffuser une note indiquant que les vacataires qui ne pourront effectuer leur travail en raison de la fermeture des universités ne seront pas payé·es, contredisant ce qui avait été annoncé par certaines directions d’université.
Résister collectivement
Ainsi, à l’heure actuelle, aucun examen en ligne ne doit se dérouler, et le ministère doit acter de l’incapacité de tenir des évaluations et mettre en place des modalités d’évaluation qui en tiennent compte.
Face à cette situation inacceptable, l’urgence est de résister le plus collectivement possible, de briser l’isolement des personnels et l’éclatement des cadres que nous avions construits pour le 5 mars. Certains collectifs et syndicats tiennent bon et continuent de tenter une coordination des résistances pendant le confinement.
Il faut renforcer ces cadres et revendiquer notamment :
- le maintien des rémunérations de stages pour les étudiants stagiaires
- le maintien de l’ensemble des rémunérations, des congés (dont les RTT), le droit à la déconnexion
- la prolongation de tous les contrats en cours dans l’enseignement supérieur comme dans la recherche pour une durée au moins égale à celle du confinement