Aujourd’hui , on débat beaucoup dans le pays : est-ce que Dilma Rousseff, et le PT, tiendront jusqu’à la fin du mandat, ou tomberont-ils avant ?
Dilma Rousseff a été réélue en octobre 2014 dans un contexte difficile. L’économie s’était détériorée, et les enquêtes sur la corruption ont atteint le PT et d’autres partis composant son gouvernement (mais aussi quelques partis d’opposition). Peu après les élections, Rousseff a fait un virage à droite : elle a mis sur pied une orientation très conservatrice et a commencé à mettre en œuvre des mesures dénoncées lors de la campagne électorale. Elle a rapidement perdu le soutien de l’électorat le plus à gauche, et n’a pas non plus gagné le plus conservateur. Les sondages d’opinion ont commencé à indiquer qu’elle était la présidente le plus impopulaire depuis Fernando Collor en 1992 (démis de ses fonctions)...
Dans la tourmente
Les 15 mars et 12 avril, il y a eu des manifestations de masse pour la démission de son gouvernement : on a même parlé de plus d’un million de personnes dans les rues mi-mars, en particulier dans São Paulo. Le 12 avril, les manifestations étaient plus petites. La grande bourgeoisie, dont les intérêts sont bien assurés par la politique économique du gouvernement, ne voyait aucune raison de mettre fin à celui-ci. Et les manifestations se sont arrêtées.
Cependant, la situation du gouvernement ne s’est pas améliorée. Comme cela arrive souvent, les mesures d’austérité ont accentué la récession. Il est prévu que sur l’année 2015, le PIB baisse de 2 à 3 %, et continue à baisser en 2016...
De plus, les enquêtes sur la corruption s’approfondissent. L’un des dirigeants historiques du PT – José Dirceu, déjà condamné –, a de nouveau été arrêté pour avoir bénéficié de l’argent détourné de Petrobras. Il y a peu de doute qu’il soit coupable, et il n’est pas le seul dirigeant du PT à avoir été arrêté.
Le gouvernement, souvent divisé, ne sait pas très bien où il va. Ainsi, pour atteindre son objectif d’équilibre budgétaire par l’austérité, le gouvernement ne sait pas s’il doit couper encore plus dans les dépenses ou augmenter les impôts. Dans ce cadre, on ne sait pas si le ministre des Finances qui a la confiance des « marchés », Joaquim Levy, continuera à assumer ses fonctions.
Des soutiens de plus en plus faibles
Avec un gouvernement faible et impopulaire, la base le soutenant au Congrès se décompose. En plus des difficultés rencontrées pour faire approuver ce qu’il veut, le gouvernement doit faire face aux initiatives propres des présidents de la Chambre des députés (plus à droite) et du Sénat (sur lesquels se mènent aussi des enquêtes pour corruption). Et le parti du vice-président de la République, Michel Temer, le PMDB, se divise publiquement : ceux qui continuent à soutenir le gouvernement et ceux qui veulent une procédure de impeachment pour destituer le gouvernement, le vice-président lui-même étant de plus en plus ambigu...
Ceux qui devraient représenter le plus fort soutien au gouvernement, le PT et les mouvements sociaux dirigés ou influencés par lui, n’arrivent plus à le faire. Le PT, profondément affaibli par les allégations de corruption, veut défendre le gouvernement... tout en critiquant sa ligne très droitière. Même l’ancien président Lula, qui préconise pourtant une ligne d’austérité, prend parfois des distances avec Dilma Rousseff. Bureaucratisés et affaiblis, les mouvements sociaux proches du gouvernement, avec une capacité réduite à mobiliser, cherchent aussi à défendre le gouvernement, tout en le critiquant.
Les secteurs du mouvement social les plus indépendants et l’opposition de gauche au gouvernement cherchent à se mobiliser contre la droite et contre l’impeachment, mais aussi contre le gouvernement, préconisant une sortie de crise par la gauche. Ils comptent sur la poursuite des grèves et des luttes sociales, mais jusqu’à présent, ils ont une capacité à mobiliser inférieure à celle des secteurs les plus à droite.
Le gouvernement lâché ?
Depuis le début du mois d’août, les sondages d’opinion indiquent que Rousseff est déjà plus impopulaire que Collor au moment où il a subi un procès d’impeachment, seulement soutenue par 8 % des électeurs, contre 71 % !
Dans ce contexte, une autre manifestation pour exiger son départ a été appelée le 16 août dernier. Cependant, des grands bourgeois, la presse conservatrice et des secteurs du Congrès ont choisi le soutien à Dilma Rousseff en échange de son engagement sur un ensemble de mesures plus conservatrices (appelé « Agenda Brésil »). Les médias ont donc apporté moins de soutien aux manifestations, qui étaient équivalentes à celles d’avril dernier, sans retrouver la force de celles de mars.
Ces dernières semaines, vu l’incapacité du gouvernement à définir une ligne claire, les déclarations des représentants de la grande bourgeoisie et de la presse qui leur est liée semblent exprimer qu’aujourd’hui Rousseff a une « dernière chance » (titre ce 13 septembre d’un éditorial dans le journal le plus influent du pays)... L’avenir de ce gouvernement est de plus en plus incertain.
De Sao Paulo, João Machado