Le soir du mardi 28 février, dans la région de Tèmbi, au nord de Larissa, un train de 350 voyageurEs est entré en collision, à pleine vitesse, avec un train de marchandises, après que le premier avait été aiguillé par erreur sur la même voie que le second. Le bilan est terrible, après que les locomotives et les premiers wagons ont comme explosé sous le choc et ont pris feu : au moins 57 morts, parmi lesquels les sept cheminotEs des deux trains.
Depuis lors, une intense émotion et une immense colère montent en Grèce contre l’état d’abandon dans lequel les différents gouvernements des dix dernières années au moins ont laissé les chemins de fer, provoquant malgré les nombreuses alertes la tragédie de Tèmbi.
Une vague de colère s’est levée
Dans le train accidenté se trouvaient de nombreux jeunes, de retour à Thessalonique après quelques jours de congés marquant fin février, le carnaval (le plus fréquenté a lieu à Patras) et le « Lundi pur », jour férié. Et si, très vite, la colère s’est exprimée dans une grande partie de la population — bien des gens ont vécu les multiples incidents ferroviaires des dernières années, par rapport auxquels rien n’a été fait par l’administration, la jeunesse a fait entendre un véritable cri de révolte : « Ce n’est pas une erreur, c’est un crime ». Colère faite d’une émotion ressentie par toutes et tous face à la cruauté des circonstances, à la douleur des familles : elle s’est exprimée dans les figures corporelles formées dans les rues ou les établissements scolaires par les jeunes pour écrire « Préviens-moi quand tu seras arrivéE », phrase voulue comme dérisoire, connue de tous les jeunes et par laquelle parents ou proches leur demandent de les rassurer au retour d’une soirée mais aussi au terme de leur voyage, ce qui en dit long sur le sentiment de sécurité sur les routes et sur les rails… Colère aussi car les jeunes ont parfaitement compris la raison de fond de cet accident. Le mot d’ordre « Nos morts, leurs profits » n’était pas écrit ou scandé par les seules organisations syndicales (comme l’UL du Pirée) ou politiques, mais repris par de très nombreux jeunes lycéenEs ou collégienEs.
Manifestations quotidiennes
Dès mercredi soir, de premières manifestations ont eu lieu à l’appel de la gauche radicale et anticapitaliste, avec à Athènes de premières violences policières. Idem le jeudi, avec une participation syndicale plus fournie, et à Athènes, la transformation d’un rassemblement prévu par les artistes en lutte en une manifestation de colère en direction de la gare d’Athènes. Et vendredi, on a vu dans tout le pays des rassemblements et des manifs de la jeunesse scolarisée, pendant que des occupations d’établissements ont débuté.
Visiblement, le Premier ministre Mitsotakis semble — à raison — craindre une véritable révolte de la jeunesse, et la bourgeoisie grecque vit depuis 2008 dans la crainte que se reproduise un tel mouvement qui l’avait assez sérieusement déstabilisée. Alors, vendredi soir, pendant un rassemblement silencieux en hommage aux victimes, avec des milliers de participantEs, la police a encore chargé : preuve si nécessaire que ce gouvernement d’une part n’a rien à offrir aux jeunes que la répression et la régression des droits, mais aussi qu’il sait à quel point ses quatre ans de gouvernement ont été une agression permanente contre les jeunes, avec la police dans les facs, la réaction intégriste de la ministre de l’Éducation, la chasse aux réfugiéEs et de manière générale le racisme et la politique anti-jeunes.
Dans ces conditions, la tragédie de Tèmbi est largement ressentie, avec le grand nombre de jeunes victimes, comme une preuve terrible du mépris de ce gouvernement et plus généralement de ce système économique pour la jeunesse. Les jours qui viennent montreront si la mobilisation s’intensifie, de nouveaux rendez-vous sont donnés, et de son côté, le syndicat cheminot a prolongé de 48 heures la grève lancée jeudi et vendredi. Et dimanche de nouvelles manifestations ont été organisées, notamment à l’appel des cheminotEs.
Version intégrale à lire ici : Catastrophe ferroviaire en Grèce : « Nos morts, leurs profits »
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