Avec l’annonce d’une « indemnité inflation » d’un montant de 100 euros, le gouvernement prétend répondre aux problèmes de pouvoir d’achat. Mais, au-delà du ridicule de la somme proposée au vu de la flambée de certains prix, notamment dans le secteur de l’énergie, il ne s’agit en réalité que d’un énième moyen de refuser toute forme d’augmentation des salaires, pensions et allocations, et d’exonérer les entreprises de toute dépense supplémentaire.
Depuis de longues années, les gouvernements successifs de « gauche » comme de droite ont pris l’habitude de mettre en place les dispositifs les plus tordus plutôt que d’augmenter le SMIC ou le point d’indice de la fonction publique. Il y a eu la défiscalisation des heures supplémentaires créée par Sarkozy et remise en place par Macron. Ce dernier a récemment inventé la défiscalisation des pourboires dans les cafés et restaurants, prétendant ainsi résoudre les problèmes de main-d’œuvre dans cette branche. Lors de la crise des Gilets jaunes, c’est la prime d’activité qui, en décembre 2018, a été augmentée de 90 euros. S’y est ajoutée au même moment la « prime Macron » défiscalisée et exempte de cotisations sociales, prime qui dépend totalement du bon vouloir des patrons ; cette prime a été depuis reconduite. Tous ces dispositifs ont comme caractéristique, soit de ne pas coûter un sou aux entreprises (c’est le budget de l’État, et donc les contribuables, qui payent), soit de dépendre de leur bonne volonté. Le secteur public, lui aussi, a eu droit à des primes ou des mesures catégorielles.
100 euros pour les uns, 5,3 millions pour les autres
C’est la même chanson que nous rejoue le gouvernement avec l’« indemnité inflation » de 100 euros pour les revenus inférieurs à 2 000 euros par mois annoncée jeudi 21 octobre par Castex. Pour les salariéEs, l’aide sera versée directement par les employeurs à la fin de l’année. Le coût sera nul pour eux : ils seront compensés par une baisse des cotisations patronales. Les Urssaf, Pôle emploi et les caisses de retraite feront de même pour les autres bénéficiaires de l’indemnité.
Pendant ce temps, le taux de marge des entreprises augmente, dopé par les subventions de l’État. Pendant la crise sanitaire, le taux de marge des entreprises a augmenté passant de 33 % fin 2019 à 35,4 % aujourd’hui. Et les patrons du CAC 40 et leurs actionnaires se servent. Les patrons des 40 plus grosses capitalisations de France pourraient ainsi toucher, en moyenne, une rémunération de 5,3 millions d’euros, part fixe, part variable et bonus compris. Les actionnaires aussi sont gâtés. En 2018, les dividendes versés aux ménages résidant en France avaient augmenté de 9 milliards d’euros sur un an, à 23 milliards d’euros, soit une hausse de 64 %. Et le flux de versements s’est encore accru en 2019 de 1 milliard d’euros, avant de se stabiliser à ce niveau très élevé en 2020, en pleine crise sanitaire. Ces dividendes concernent avant tout les plus riches : 45 % de la hausse de 9 milliards d’euros a été captée par 5 000 foyers qui ont vu leurs dividendes dépasser 100 000 euros par an, et 13 %, soit 1,2 milliard d’euros, ont été captés par 310 foyers, qui ont touché plus d’un million d’euros de dividendes par an.
« Un bouclier anti-hausse de salaires »
Le pouvoir sent que le mécontentement monte. Selon un sondage publié mercredi 20 octobre, les ménages sont bien plus focalisés sur le pouvoir d’achat que sur la sécurité ou l’immigration dont les « grands » candidats à la présidentielle n’arrêtent pas de nous parler. Selon ce sondage, le pouvoir d’achat est pour le moment le thème qui comptera le plus dans le choix des électeurEs à l’élection présidentielle de 2022 (45 % des citations parmi trois réponses possibles), en progression de 4 points depuis le 22 septembre, et de 12 points depuis fin juin. Il devance nettement la sécurité (30 %, – 1 point en un mois et – 8 en quatre mois) et l’immigration (27 %, stable).
100 euros, c’est toujours bon à prendre mais c’est dérisoire par rapport aux pertes de pouvoir d’achat. Par ailleurs, toutes ces astuces n’apportent rien pour les retraites. Pour les patrons, c’est tout bon. Jeudi soir, aussitôt après l’annonce, le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, a annoncé sur Twitter qu’il doublerait le montant de l’indemnité pour la porter à 200 euros. Quelle générosité pour une entreprise qui en 2021 avait décidé de ne même pas reconduire la prime Macron !
Comme l’a écrit Romaric Godin dans Mediapart : « L’indemnité inflation est plutôt un "bouclier anti-hausse de salaires". Les employeurs pourront dire que les revalorisations salariales sont inutiles grâce à ce billet de 100 euros. Les profits privés et la rentabilité du capital sont préservés. Et c’est ce qui compte pour le président sortant. »
Non seulement le gouvernement refuse de baisser la TVA sur les carburants ou de bloquer leurs prix mais il n’y aura aucune mesure apportant une vraie garantie aux salariéEs du privé et du public, aux retraitéEs et à celles et ceux qui reçoivent des aides sociales. Il faut au contraire une augmentation de salaires, retraites et allocations et, pour que ce gain ne soit pas éphémère, ils doivent augmenter à l’avenir comme les prix par un mécanisme d’indexation, d’échelle mobile.