37 millions de foyers fiscaux viennent de recevoir leur déclaration sur les revenus. Au regard de la politique économique et sociale du gouvernement, c’est l’occasion pour beaucoup d’entre eux de se demander aujourd’hui à quoi servent leurs impôts...
En mai 2014, Valls déclarait : « Trop d’impôt tue l’impôt, et tue surtout la compétitivité de notre pays ». Il reprenait ainsi un thème très prisé par la droite, les entreprises, les réacs de tous poils, accentuant l’incompréhension sur le rôle et l’usage. De plus, les scandales d’évasion et de fraude fiscale de ces dernières années confirment que l’égalité devant l’impôt est loin, très loin, d’être une réalité. Sans parler des choix budgétaires des gouvernements successifs...
Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger sur ce que fait l’État de notre argent, ou plutôt, à quoi servent les prélèvements obligatoires ? Sur le papier, l’impôt devrait remplir trois grandes fonctions. D’abord assurer la production des biens publics nécessaires au développement et à la cohésion sociale : éducation, recherche, sécurité intérieure et extérieure, santé, protection de l’environnement, infrastructures, etc. Ensuite redistribuer du revenu afin de corriger les inégalités (prestations sociales) ou d’assurer contre un risque social (retraites, assurance maladie, indemnisation du chômage). Enfin, agir sur l’activité économique.
Mais les choix budgétaires de ces dernières décennies ont détourné le sens premier de l’impôt, celui de couvrir les « dépenses socialisées » et d’enrayer les inégalités amplifiées par un désengagement de l’État toujours plus important.
Moins de social, plus pour les entreprises
Depuis quelques jours, les conseils municipaux des 36 000 communes sont en train de voter leur budget prévisionnel de 2015 dans un contexte de réduction de la dotation de l’État (11 milliards en moins). Une cure d’austérité sans précédent qui a déjà franchi un seuil symbolique : en 2015, plus de cinquante communes sont purement et simplement privées de dotation générale de fonctionnement. Du coup, d’ores et déjà sont programmés dans de nombreuses villes l’augmentation des impôts locaux, du prix des cantines scolaires, l’arrêt des subventions à de nombreuses associations culturelles et sociales, l’arrêt des subventions aux transports scolaires, sans oublier les suppressions massives d’emplois dépendant de la municipalité…
Une politique qui amplifie le fameux « ras-le-bol fiscal » et l’incompréhension du système. L’État réduit donc la dotation aux communes et à l’ensemble des collectivités locales, asphyxiées, comme il réduit les dépenses de fonctionnement des services publics nationaux, diminue le nombre de fonctionnaires, coupe dans tous les budgets sociaux... Et il le fait pour la même raison : convertir l’argent public, l’argent des contribuables, en cadeaux fiscaux aux entreprises et aux plus riches : CICE, Pacte de responsabilité... Et c’est loin d’être terminé puisque le gouvernement vient d’annoncer 5 milliards d’économies supplémentaires pour 2016 !
Quelles soient de gauche ou de droite, les politiques budgétaires ont accentué les inégalités sociales en mettant en œuvre une répartition des richesses pour une minorité, et non pour la collectivité. Pour plus d’égalité, un bouleversement complet, radical, de la fiscalité serait nécessaire, en privilégiant les impôts directs et la progressivité de l’impôt, et en taxant réellement le capital mais aussi le patrimoine. Mais une telle politique doit s’inscrire dans le cadre d’une rupture avec le capitalisme, car une fiscalité vraiment juste est un rêve dans un système fondé sur l’injustice et l’exploitation. Et plus que jamais, le refus de l’austérité et la mise en œuvre d’une autre orientation exigent un vaste mouvement social, unitaire et déterminé.
Sandra Demarcq