La proposition de loi sur le service minimum annoncée par le sénateur LR Bruno Retailleau relève en partie de la gesticulation politique (impossible qu’elle soit votée avant le 5 décembre), mais renvoie à un objectif constant du patronat et des politiciens à leur service : limiter le droit de grève et le rendre « sans douleur » pour l’État et les patrons.
Pour cela, tous les moyens sont bons. Dans le privé, pressions, y compris individuelles, sur les grévistes, au nom des commandes à satisfaire ou de la fragilité prétendue de l’entreprise. Dans le public, c’est l’imposition d’une réglementation de plus en plus contraignante comme la loi de 2007 sur les transports : obligation du préavis de grève et nécessité de se déclarer gréviste 48 heures à l’avance. Objectif : permettre aux entreprises de s’organiser pour limiter l’impact de la grève. Dans certaines professions existe par ailleurs un droit de réquisition obligeant à aller au travail même si on veut faire grève. C’est ce que Retailleau veut étendre aux transports. Et il y a aussi, pour les grèves dans les services publics, le tombereau de propagande sur les usagerEs « pris en otage ».
Mais de quel autre moyen que la grève avec arrêt du travail les salariéEs disposent-ils pour faire valoir leurs droits ? Quand les grèves ne peuvent se traduire par des arrêts de l’activité, patrons et gouvernement s’en moquent : on le voit depuis des mois avec les pompiers (qui n’obtiennent rien) et les urgences (qui n’obtiennent que des miettes). Pour ce qui est de la SNCF, en 2018, certains avaient dit aux cheminotEs qu’au lieu de faire grève, il fallait permettre aux gens de voyager sans payer, mais c’est strictement interdit par la direction : les contrôleurEs de la SNCF qui, en 1989, s’étaient engagés dans « la grève de la pince », en refusant de contrôler les tickets, avaient été sanctionnés.
En 2008, Sarkozy annonçait avec fierté : « Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit ». Eh bien, depuis quelques mois, patrons et gouvernement se rendent compte qu’il y a des grèves, et de plus en plus de salariéEs reprennent conscience que leur force, ce sont les grèves et les manifestations ! Par contre, patrons et gouvernement entendent bien continuer sans relâche leur chantier de démolition des droits sociaux et des services publics. Pour leur faire, ne serait-ce qu’un peu, lâcher prise, il faudra bloquer la machine à profits, l’économie. Le 5 décembre pourrait être une première étape.
Henri Wilno