Les candidats à la présidentielle sont en pleine surenchère protectionniste. Mais que ce soit consommer ou produire français, cela n’a que peu de sens à l’ère de la mondialisation. Produisons français, achetons français, faisons travailler les Français... Le Pen, Bayrou, Sarkozy, Hollande et Montebourg se passent et repassent le témoin bleu-blanc-rouge pour tenter de capter le soutien de l’électorat « populaire ».
Avec les bilans 2011 et projections 2012 sur le chômage, la croissance, le développement de la pauvreté, la liquidation du secteur public et notamment de l’éducation nationale, le désastre politique du président-candidat Sarkozy ne se limite pas à son impuissance face à la crise économique et financière. Pour espérer grimper encore un nombre suffisant de marches dans les sondages à l’approche de l’échéance présidentielle, le chef de la bande du Fouquet’s essaie par tous les moyens d’éloigner le débat politique de son centre : une autre répartition des richesses. Après dix jours de brouillage autour du financement des syndicats de salariés et des officines patronales, il est de retour sur le terrain le plus labouré, celui du nationalisme dans sa version « préservation de nos emplois ». Certes, sur ce thème, la concurrence est sévère. Quasiment tous les candidats à la candidature ont cru bon d’affirmer leur volonté de défendre bec et ongles leur version du nationalisme industriel.
Dans les argumentations, tout est mélangé : selon l’Insee, les emplois industriels seraient passés de 5,3 millions en 2001 à 3,4 millions en 2011. Encore faut-il s’interroger sur la modification de la structure des entreprises qui externalisent les services et les productions hors du « cœur » de leurs activités. Selon la même source, la part des richesses produites par l’industrie serait passée, dans le même temps, de 18 à 13 % du PIB. Mais il faut s’arrêter sur les profondes mutations des sociétés : avec le développement des services, y compris à la personne, du commerce, des fonctions supports souvent externalisées et ne sont donc plus comptabilisés comme activités industrielles. De même, toutes les études établissent que moins de 10 % des suppressions d’emplois seraient la conséquence des délocalisations. En fait, pour l’essentiel, elles sont la conséquence directe de l’augmentation de la productivité du travail et des restructurations des entreprises. Il faut moins de temps pour fabriquer une voiture ou un lave-linge ? Alors travaillons moins ! Les introuvables produits françaisEn ce qui concerne les déficits commerciaux, le commerce intra-européen représente plus de 70 % des échanges des pays de l’Union européenne. La plus grosse partie du déficit commercial de l’UE provient des échanges portant sur l’énergie et les matières premières avec les pays du Sud. Le commerce européen est légèrement excédentaire sur l’ensemble des biens manufacturés et agricoles. Quant aux produits « français », bien difficile d’y retrouver ses petits dans l’automobile, l’électroménager, l’électronique ou l’informatique. La plupart de leurs composants sont fabriqués chez des sous-traitants qui font très souvent partie de groupes internationaux, utilisant des matières premières achetées sur les marchés mondiaux et dont seul l’assemblage est réalisé en France.
Au total, il n’existe aucune mesure économique permettant de défendre une production industrielle nationale. La défense de mesures protectionnistes, quelles qu’elles soient (sociales, écologiques, monétaires) par un pays, la France, ou une zone économique, l’Union européenne, signifierait, de fait, que nous avons des intérêts communs avec les classes dirigeantes de ces pays. Elle entraînerait des mesures de rétorsion de la part des autres pays et une guerre commerciale généralisée. Elle aboutirait à un renforcement de la concurrence entre les états, au Nord comme au Sud, au nom de laquelle de nouveaux sacrifices seraient demandés aux salariés. Il ne s’agirait pas d’un premier pas vers une coopération entre les peuples mais d’une logique qui ne peut qu’opposer les salariés entre eux suivant leur nationalité, nourrissant ainsi le nationalisme et la xénophobie.
Ainsi, on revient au motif réel de l’ouverture de tels débats : il s’agit pour la bourgeoisie, les gouvernements et politiciens à leurs ordres ou complices, de faire des travailleurs chinois, indiens ou brésiliens la cause de tous nos maux et d’esquiver leurs responsabilités politiques, économiques, sociales.
La réduction massive du temps de travail, l’interdiction de tous les licenciements avec des choix de production répondant aux exigences sociales et écologiques sont plus que jamais des éléments clefs de notre programme. Évidemment, ce ne sont pas ceux des Moody’s, Standard and Poor’s pour qui les élèves bien notés sont les cancres des droits sociaux.
Robert Pelletier