Publié le Mercredi 19 juin 2024 à 10h33.

L’unité des forces politiques et sociales : un chemin étroit et sinueux

Avec la dissolution, le projet de Macron était d’enfoncer le coin de la division à gauche qui s’était déployée durant toute la campagne des européennes. Il s’agissait d’enterrer définitivement la Nupes en explosant au passage LFI, placé hors de l’arc républicain depuis le 7 octobre. En conscience, Macron a engagé cette manœuvre politicienne en surfant sur la vague de l’extrême droite.

 

L’ampleur du danger de voir l’extrême droite en tête lors de ces élections express a provoqué un sursaut salutaire dans la jeunesse, les quartiers populaires et plus largement dans les milieux de la gauche sociale et politique. 

Cet élan ne s’est pas exprimé sur le terrain où on l’attendrait traditionnellement, c’est-à-dire celui de l’occupation de la rue même si des manifestations particulièrement jeunes ont regroupé des dizaines de milliers de personnes presque tous les soirs. C’est sur les réseaux sociaux qu’a eu lieu un déferlement d’expressions des craintes et des attentes, avec l’injonction aux politiques d’être à la hauteur. 

Autre forme inattendue : les files d’attente devant les commissariats pour faire en urgence des procurations pour celles et ceux qui avaient déjà prévu des week-ends loin de leurs bureaux de vote. Plus de 400 000 procurations ont été déposées en une semaine. 

Unité autour d’un programme

Cette pression a contraint les forces centrifuges qui avaient mis sur le devant de la scène politique les divisions de la gauche politique à se réunir et ouvrir la discussion. Dans ces discussions, les rodomontades de Place publique et de celles et ceux au PS qu’on ne peut même plus qualifier de social-démocrates, en raison de leur ralliement au libéralisme économique et à l’autoritarisme d’État pour le mettre en œuvre, ont fait long feu.

Avec un rééquilibrage dans la répartition des circonscriptions, la discussion du programme a été centrée autour du seul cadre qui puisse porter un espoir de victoire même relative, c’est-à-dire un projet de rupture claire avec les politiques libérales menées par les gouvernements de droite et de gauche ces dernières décennies. Donc du programme de la Nupes.

En quelques jours, le Nouveau Front populaire a élaboré un programme. Beaucoup de points ont été portés par le mouvement social ces derniers mois : abrogation des réformes des retraites, « Darmanin » ou de l’assurance chômage, augmentation des salaires, investissement massif dans l’école ou les hôpitaux. Mais ce programme n’est pas abouti. Il doit être nourri par les syndicats et les mouvements sociaux.

Tout reste à gagner 

L’unité va rester un combat. La présence de François Hollande, candidat d’une coalition dont le programme veut rompre avec les politiques libérales qu’il a menées, n’est pas le moindre des points à discuter ! Seule la mobilisation des travailleurEs peut permettre de nourrir le programme de rupture, les revendications favorables au monde du travail.

Dans une bataille politique vitale, les divisions et règlements de comptes internes nous affaiblissent. L’éviction sans explication de cinq députéEs sortantEs (dont nous ne partageons pas toutes les positions, notamment sur la Palestine ou les questions antiracistes), implantéEs dans leurs circonscriptions, dans le soutien aux luttes, est un problème démocratique. Cela concerne, certes, la responsabilité de la seule LFI, mais dans ce contexte c’est également une erreur qui affaiblit tout le collectif. Quant aux spéculations sur le choix du Premier ministre, elles apparaissent bien prématurées !

Le mouvement syndical en ordre de bataille

Dans cette dynamique de construction d’un Nouveau Front populaire, les organisations du mouvement social, dont les organisations syndicales, ont pris une place. Ces dernières décennies, les références à la charte d’Amiens fondatrice du syndicalisme au début du 20e siècle mais aussi la volonté de rompre avec les pratiques d’hégémonie stalinienne, qui avaient divisé les organisations syndicales, justifiaient le refus de consigne de vote, au nom de la préservation de l’unité des travailleurEs quelle que soit leur option électorale. 

Les sondages indiquant le fort pourcentage de votes pour l’extrême droite des sympathisantEs des organisations syndicales auraient pu accentuer ce positionnement, nourri par les déceptions des gouvernements de gauche et la dépolitisation qui en découlait. Mais l’enjeu et l’urgence de s’opposer à l’extrême droite, tout en rejetant Macron, a pesé également sur les organisations syndicales. Une inter­syndicale réunissant UNSA, CFDT, FSU, CGT et Solidaires a appelé à manifester samedi 15 juin et à voter contre l’extrême droite. 

Surtout des organisations syndicales, des fédérations de Solidaires, de la FSU et la Confédération CGT par la voix de Sophie Binet s’inscrivent dans le Nouveau Front populaire. Ces organisations construisent également la manifestation du 23 juin initiée par le mouvement féministe pour défendre les droits des femmes dans le viseur de l’extrême droite. Elles appellent aussi à une journée de grève pour le 27 juin. 

Construire l’avenir par nous-mêmes

Dans les quartiers populaires, de nombreuses associations sportives, culturelles, anti­racistes conscientes d’être les premières cibles d’un gouvernement Bardella voient dans le Nouveau Front populaire un espoir de faire barrage à ce danger immédiat. 

L’enjeu des prochains jours est de commencer dans la campagne électorale à jeter les bases d’un cadre social et politique des salariéEs, de la jeunesse et des quartiers populaires pour penser et construire notre avenir ­politique par et pour nous-mêmes.