De Jay Roach, avec Bryan Cranston, Diane Lane et Helen Mirren. Sortie le mercredi 27 avril.
Le scénariste et romancier Dalton Trumbo fit partie des célèbres « dix d’Hollywood » qui refusèrent de témoigner devant la commission des activités antiaméricaines, quand la chasse aux sorcières communistes commença avec la guerre froide en 1947...
Trumbo le paya de onze mois de prison et fut inscrit sur la liste noire qui lui interdisait de continuer à travailler sous son nom. Il s’y retrouva en compagnie d’autres grands artistes et intellectuels américains, comme Charlie Chaplin, l’acteur Sterling Hayden, les romanciers Howard Fast et Dashiell Hammett, tous accusés d’appartenir au PC américain... ou simplement d’avoir signé des pétitions en faveur de la République espagnole contre Franco !
Trumbo, comme Fast et Hammett, furent d’autant plus surpris qu’ils se considéraient comme des patriotes américains : ils avaient fidèlement servi leur gouvernement pendant la guerre en travaillant dans les services de propagande de l’armée, car le PC soutenait alors l’effort de guerre en raison de l’alliance entre les États-Unis et l’URSS. Après le virage patriotique du PC, Trumbo avait même renoncé à diffuser son roman antimilitariste Johnny got his gun…
Une réhabilitation… 68 ans plus tard !
Avec ce film, Hollywood rend donc justice et hommage à un de ses auteurs les plus féconds et les plus talentueux… 68 ans après l’avoir contraint à travailler sous des pseudonymes et à s’exiler au Mexique. Mais cet hommage est lui-même très… hollywoodien. En dépit d’une reconstitution habile et de tout le talent de l’acteur Bryan Cranston, les convictions profondes de Trumbo n’apparaissent guère. Le film insiste bien davantage sur sa vie de famille et la frustration de ne pas pouvoir recevoir lui-même les récompenses attribuées à ses œuvres. Le maccarthysme apparaît comme une sorte d’absurde malentendu entretenu par quelques illuminés dont la chroniqueuse anticommuniste hystérique Hedda Hopper, antisémite de surcroît, interprétée de façon magistrale par Helen Mirren. Les meilleurs passages du film sont sans doute ceux où Dalton Trumbo doit fabriquer des scénarios à la chaîne pour des producteurs de série Z. Un humour caustique et décalé sauve le film de l’académisme complet.
On notera l’apparition de diverses stars de l’époque, comme l’ultra maccarthyste John Wayne, le timoré Edward G. Robinson qui balancera ses camarades, et le courageux Kirk Douglas qui imposera le nom de Trumbo au générique de Spartacus en 1960. C’est sur cette réhabilitation approuvée par Kennedy himself que se conclut le film. La démocratie américaine a finalement triomphé de l’obscurantisme. À Hollywood, on préfère les happy end...
Gérard Delteil