Film franco-italo-libano-qatari, durée 1 h 23 min, sortie le 26 avril 2023
Beyrouth sous un soleil de plomb, un homme d’une trentaine d’années marche au milieu de la rue déserte et crie « fer, cuivre, batteries » dans l’espoir de récupérer des métaux qu’il pourra revendre. C’est Ahmed, un réfugié syrien qui a fui la guerre, il porte d’ailleurs en lui les stigmates du conflit, son corps est, comme le dit son médecin, « parsemé de métal ».
À l’intérieur d’un appartement cossu, une jeune femme s’occupe d’un vieil homme grabataire. C’est Mehdia, une réfugiée éthiopienne sans titre de séjour qui a fui la misère et qui travaille au service d’une famille libanaise de la petite bourgeoisie. On comprend rapidement qu’elle n’est pas libre de ses mouvements. Elle n’a pas le droit de sortir, elle s’est d’ailleurs fait confisquer son passeport par sa patronne… elle est ce qu’on appelle une esclave « moderne ».
Heureusement Ahmed et Mehdia sont amoureux l’un de l’autre mais la vie est difficile pour ces deux êtres d’infortune.
Au Liban, la pauvreté, la xénophobie et la surexploitation
Wissam Charaf dépeint le Liban, son pays, comme difficile et dangereux. Difficile pour plusieurs raisons : parce que la vie est chère à cause d’une très forte inflation, ce qui plonge beaucoup de gens dans la pauvreté. Difficile aussi parce qu’il y a du racisme envers les réfugiéEs et particulièrement les réfugiéEs syriens qui sont abandonnés dans des camps transformés en bidonvilles. Le racisme est aussi présent entre les différentes communautés, la famille de Mehdia lui reproche d’être avec un Syrien alors qu’elle aurait pu trouver un Libanais ou un Éthiopien. Il y a bien évidemment les rapports de classes entre les dominants et les dominéEs.
Dangereux parce que les plus fragiles sont à la merci soit de familles qui les surexploitent profitant notamment de leur situation irrégulière soit d’organisations mafieuses avec la complicité des autorités et de certains médecins peu scrupuleux qui participent aux trafics d’organes.
Le réalisateur montre un pays dans lequel règne le chacun pour soi, où tout est monnayable, où les oppriméEs s’exploitent entre eux, où il n’y a pas ou trop peu de solidarité.
Un film poétique
Cependant, malgré la dureté du propos, Wissam Charaf parvient à faire un film mélancolique et poétique dans lequel il y a des petites parenthèses pleines d’humanité comme cette scène qui peut paraître anodine, du commerçant qui offre à Ahmed une orange, ce qui nous permet de croire qu’il y a encore un peu d’espoir. Les deux acteurs portent aussi en eux cette poésie, ils sont à la fois très beaux et remarquablement bien filmés. Ils restent dignes tout le long du film.
Dirty Difficult Dangerous est une fiction qui ressemble à une fable onirique où se mêlent quelques éléments burlesques et fantastiques.