Publié le Dimanche 10 mai 2015 à 18h23.

Le cinéma et les guerres du Vietnam

Les guerres d’Indochine et du Vietnam, menées par la France de 1945 à 1954, puis par les États-Unis de 1955 à 1975, ont suscité plus de 400 films (1). On trouve évidemment de tout dans cette énorme production cinématographique, aussi bien sur le plan des genres qui vont du drame intimiste à la comédie, que sur celui du contenu idéologique...

La production française soumise à l’idéologie colonialiste... et à la censure !Si on laisse de côté les films nostalgiques du genre Indochine et les documentaires militants, les films français sont rarement critiques vis-à-vis de l’armée et du colonialisme. Le premier, Patrouille sans espoir de Claude Bernard-Aubert ne sortira d’ailleurs qu’après la guerre en 1955. Film de propagande qui montre les soldats français construisant des ponts et des écoles, il sera néanmoins censuré car considéré comme défaitiste, sa fin modifiée et son titre changé en Patrouille de choc.Il faudra attendre 1964 pour que sorte la 317e Section de Pierre Schoendoerffer, ancien cameraman du service de propagande de l’armée, tout comme Bernard-Aubert d’ailleurs. Avec davantage de talent que son prédécesseur, il chante lui aussi la gloire des « soldats perdus ». Il récidivera en 1992 avec Dien Bien Phu, film tout aussi militariste mais qui critique le commandement et les politiciens pour avoir provoqué cette défaite par leurs erreurs, et qui ont abandonné les combattants. On peut citer aussi les Centurions, superproduction franco-américaine de Mark Robson, sorti en 1965 avec Alain Delon et Maurice Ronet, abonnés ensuite aux rôles de paras. Les Vietnamiens, puis les Algériens, y jouent le rôle dévolu habituellement aux Indiens dans les westerns... Fait significatif : tous les acteurs et figurants sont américains ou européens…Signalons néanmoins la sortie en 2013 du téléfilm Soldat blanc de Éric Zonca (2) qui évoque le cas d’un jeune soldat, révolté par les massacres, qui va déserter et rejoindre le Vietminh. Il aura donc fallu soixante ans avant que le sujet ne soit abordé…

Un cinéma américain audacieux et subversifÀ l’exception de deux films ultra militaristes tournés pendant le conflit, Commando au Vietnam de Marshall Thompson (1964) et les Bérets verts de John Wayne (1968), où les Vietnamiens occupent à nouveau la place des Indiens de western, le cinéma américain va exprimer l’hostilité à cette guerre d’une grande partie de la population, notamment de la jeunesse, des artistes et des intellectuels. Ces films oscillent entre pacifisme et antimilitarisme, voire sympathie pour la lutte de libération.L’œuvre la plus emblématique de cette époque est sans doute Apocalypse now de Francis Ford Coppola (1979), où l’on voit un officier illuminé devenir le dictateur sanguinaire d’une région perdue dans la jungle. Parmi les films les plus engagés, on peut aussi citer Outrages de Brian de Palma (1989) qui évoque le viol et le meurtre d’une prisonnière vietnamienne, et Good morning Vietnam de Barry Levinson (1987), dans lequel un animateur radio découvre les atrocités de la guerre. Considérés comme les films de guerre les plus réalistes, Platoon de Oliver Stone (1986), Hamburger Hill de John Irvin (1987) et Full Metal Jacket de Stanley Kubrick (1987) suscitèrent la colère des militaires et de violentes polémiques. A côté des films traitant directement de la guerre, de nombreux autres aborderont ses séquelles, mais presque toujours d’un point de vue purement américano-centriste, tels Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino (1978) et le fameux Rambo de Ted Kotcheff (1982). L’ancien du Vietnam qui sombre dans l’alcoolisme, la drogue ou la délinquance, deviendra d’ailleurs un personnage récurrent du cinéma et de la littérature.De son côté, le cinéma vietnamien a produit de très nombreux films patriotiques rarement diffusés dans le monde occidental, parmi lesquels on peut signaler une curiosité : The Rebel (3) (2007), mélange de western et de films d’arts martiaux, qui se déroule dans les années trente. Certes, son réalisateur Charlie Nguyen n’est pas Sergio Leone, mais on y trouve quelques morceaux de bravoure, comme l’exploitation d’une mine par de féroces colons français. Un juste retour des choses.

Gérard Delteil1  – Selon Michel Antony et le collectif auteur de Guerre d’Indochine – Guerre du Vietnam et cinéma. Filmographie commentée (juin 1999).2 – Disponible en DVD3 – Disponible en DVD