Publié le Mardi 7 janvier 2025 à 09h00.

Le massacre de Thiaroye, d’Armelle Mabon

Éditions Le Passager clandestin, 2024, 272 pages, 22 euros.

L’Anticapitaliste a abordé le massacre de Thiaroye dans un article récent1. C’est le sujet du livre d’Armelle Mabon. Historienne, chercheuse, elle consacre une grande partie de son énergie à rétablir la vérité : il n’y a pas eu rébellion, les soldats africains n’étaient pas armés et hostiles, il n’y a pas 35 morts, mais sans doute beaucoup plus...

Dans ce livre, Armelle Mabon va à l’encontre des différentes et successives versions proposées par l’État français, qui se retranche derrière le secret militaire, invoque des pertes d’archives, toutes manœuvres dilatoires pour ne pas reconnaître un massacre perpétré de sang-froid par une hiérarchie militaire colonialiste et raciste.

Dévoiler le mensonge d’État

L’autrice dévoile tout le dispositif visant à entretenir le mensonge d’État : obstacles multiples, jamais levés complètement, pour avoir accès aux documents d’archives, y compris l’acharnement de la justice administrative pour ne pas accéder à ses multiples recours, discours politiques qui reste édulcoré et approximatif même quand l’État semble aller vers la reconnaissance du massacre, jusqu’à l’intervention, opportuniste ou instrumentalisée, d’historiens qui semblent s’ériger en porteurs d’une version quasiment officielle de l’histoire.

Marathon administratif

Armelle Mabon porte passionnément la volonté de rétablir dans leurs droits les soldats africains qui ont été victimes, jusqu’au bout du cynisme colonial, d’un État qui ne voyait – et ne voit apparemment encore – que son intérêt, alors impérial, aujourd’hui plus modestement géopolitique. Au moment où le Sénégal va reprendre la main sur la gestion de la mémoire de cet épisode, le livre d’Armelle Mabon tombe à pic. Alors, si le récit par le menu de toutes ces démarches et procédures risque, par moments, de perdre un peu les lecteurices dans le marathon administratif, l’essentiel est que son combat aux côtés des Tirailleurs et de leurs descendants mérite tout notre soutien.

Claude Moro