Publié le Vendredi 16 octobre 2015 à 13h08.

Une jeunesse allemande

Un film de Jean-Gabriel Périot. Sortie le 14 octobre 2015. 

« Allemagne 1965-1977, de la bataille des images à la lutte armée » : le sous-titre du film résume le projet de J-G Périot. Il s’agit de montrer avec des images d’époque la radicalisation d’une partie de la jeunesse allemande, qui va déboucher, pour une petite minorité, sur la création de la RAF (Rote Armee Fraktion- Fraction armée rouge) aussi connue comme la « bande à Baader ». 

Le film souligne deux coordonnées spécifiques à l’Allemagne et qui vont donner une tonalité particulière à la révolte de sa jeunesse. D’abord, le nazisme avec la présence d’anciens nazis à de nombreux postes de responsabilité. Ensuite, le rôle de l’Allemagne fédérale dans le dispositif impérialiste et le contexte de la guerre du Vietnam. Berlin est la plaque sensible d’un mouvement étudiant qui va être radicalisé par la visite du shah d’Iran en juin 1967 : la police berlinoise laisse les gros bras des services iraniens brutaliser les manifestants  et un policier abat l’étudiant Benno Ohnesorg. Le 11 avril 1968, Rudy Dutschke, un des dirigeants étudiants, est victime d’un attentat.

Il y a un décalage énorme entre le bouillonnement étudiant de Berlin  et l’état d’esprit de la masse de la population. Ulrike Meinhof en tire la conclusion que «la société est devenue sourde». Il faut donc quitter le registre de la protestation, de l’action politique, pour passer à la lutte armée contre un système qui, d’ailleurs, est violent.  En 1968, ont eu lieu  les premières actions impulsées par Baader. En 1970, le logo de la RAF apparaît. A partir de là va s’enclencher une fuite en avant sanglante qui va se terminer en 1977 par le douteux « suicide » en prison des principaux dirigeants de la RAF.

Dans le même temps, la répression d’Etat se durcit tandis que sont dénoncés tous ceux qui, tout en n’approuvant pas les actions de la RAF,  en analysent les motifs et osent critiquer les dérives de l’Etat policier.

Le film de Jean-Gabriel Périot permet de voir un grand nombre de documents des années 60 et 70 : films, émissions de TV, etc. Le choix du réalisateur de n’ajouter aucun commentaire explicatif aux images et aux paroles de l’époque pèse toutefois sur la compréhension de certaines situations et évolutions car  n’est montré que ce qui a été filmé (et retenu par le réalisateur). Les courants tournés vers le mouvement de masse (le SDS étudiant, l’opposition extra-parlementaire) ne sont guère évoqués.

La RAF constitue sans doute un des pires exemples en Europe d’une action armée ultra-minoritaire où la « propagande par le fait » prétend mettre en mouvement les masses. Ce substitutisme ne peut que déboucher sur des impasses et des catastrophes. Mais la portée du film va au-delà de la période qu’il couvre car, comme l’a déclaré le réalisateur : « L’un des objets du film est la manière dont on utilise le mot « terrorisme » comme une interdiction à penser. Il ne s’agit pas d’excuser les actes, mais de comprendre leur origine. ».

HW