Publié le Samedi 7 novembre 2009 à 12h57.

Inverser le rapport de forces (par Christine Poupin)

Vous avez dit rentrée ? Nous sommes nombreux à partager le sentiment qu’il n’y a pas eu de sortie ! Pas d’interruption dans les licenciements et les fermetures d’entreprises ; pas de pause dans la répression, qu’elle vise les salariés en lutte comme les grévistes d’Edf-Gdf ou les habitants et habitantes des quartiers populaires dans lesquels le harcèlement policier s’ajoute aux ravages de la précarité et du chômage ; pas de trêve dans les attaques contre les droits des salariés ou les services publics. Et en plus septembre démarre fort : au nom de l’égalité le gouvernement veut réduire le niveau des retraites pour les mères, au nom de l’écologie il impose une taxe carbone qui pénalisera les plus pauvres sans préserver le climat. L’argent public vole au secours des entreprises et des banques, mais la crise économique est loin d’être finie. Les patrons continuent à en profiter pour restructurer et faire payer les salariés qui se sentent désormais tous en danger.

Pendant l’été, la résistance des 
alariés a continué comme l’on montré les Molex ou les manifestants de Châtellerault autour des Fabris. Mais cela ne peut ôter le sentiment de gâchis provoqué par les journées calamiteuses des 26 mai et 13 juin.

Pour comprendre comment nous sommes tombés si bas après les mobilisations spectaculaires des 
9 janvier et 19 mars, il faut revenir un an en arrière, à la rentrée 2008. Les directions des grandes confédérations syndicales ne proposent alors aucun plan de riposte face à la crise, ce refus de l’affrontement politique a déterminé toute la suite. Au dernier trimestre 2008, les premiers secteurs touchés (entreprises de la filière automobile, enseignants frappés par les suppressions de postes, lycéens) se mobilisent. Le pouvoir redoute alors la contagion de l’exemple de la jeunesse grecque qui occupe les rues d’Athènes. La généralisation et la jonction autour de la jeunesse sont possibles comme ce fut le cas lors de la mobilisation contre le CPE ou encore en 2003 autour de l’éducation nationale. Mais, la direction de la CGT privilégie son alliance avec la CFDT et FO et ne cherche pas à 
onstruire avec et autour des secteurs les plus mobilisés, la généralisation et la convergence des luttes vers un mouvement d’ensemble. Le 29 janvier est donc déjà une réponse en retard et décalée : en retard, parce qu’elle arrive après les ripostes lycéennes ou de l’automobile, et décalée parce qu’elle n’a aucun objectif politique.

Des équipes syndicales combatives s’emparent du 29 janvier, puis surtout du 19 mars, mais privées de contenu revendicatif et surtout de perspective, ces journées ne peuvent pas jouer le rôle de tremplin. Des équipes militantes souvent jeunes, ont tenté à Edf-Gdf de déborder la stratégie des journées d’action de la direction de la CGT, la grève a duré jusqu’à sept semaines sur des revendications radicales (300 € pour tous, prime de 700 €, embauche des précaires), mais faute d’un réseau militant suffisant, elle ne s’est pas étendue à l’ensemble de l’entreprise. Des convergences à l’échelle locale ou régionale, sous la forme de fronts avec des équipes CGT combatives, des syndicats de Solidaires ou de la FSU, des partis, des associations autour d’une ou plusieurs entreprises menacées, ont vu le jour, au Havre autour des Sandouville et de l’hôpital, à Bordeaux autour des Ford… Toutes ces expériences sont précieuses, elles indiquent ce qu’il est possible de faire. Elles démontrent que l’unité pour la lutte est possible. Mais pour changer le rapport de forces, pour recons-truire une perspective donnant de l’espoir, elles ont besoin de prendre une dimension nationale. Privées de capacité d’initiative à cette échelle, les luttes ont été soumises au rythme imposé par l’intersyndicale nationale et vouées à l’échec des journées toutes les six semaines.

C’est avec ce bilan présent à l’esprit que nous devons aborder la rentrée. Il est toujours possible de se saisir d’une journée comme le 7 octobre proposée par les confédérations syndicales. Mais pour inverser le rapport de forces, il n’y a pas d’autre solution pour les équipes militantes que de prendre les choses en main, se coordonner, prendre des initiatives et donner un contenu revendicatif radical. Comme le dit l’Appel du collectif de résistance ouvrière de la Meuse et Haute-Marne : «Ce n’est pas avec quelques manifestations ponctuelles que nous aurons une chance de les faire fléchir, mais bien en recherchant le blocage général. C’est pourquoi il faut nous rassembler et ne plus rester chacun dans son usine ou dans sa ville: ce n’est qu’en nous fédérant et en organisant nous-mêmes la riposte que nous pouvons espérer gagner!»

L’unité a beaucoup servi pour justifier la tactique perdante de grève « saute-mouton ». Bien évidemment, l’unité est souhaitable, nécessaire, indispensable même, mais une unité pour la mobilisation, au service de la mobilisation. Cette unité est encore à construire. Un peu partout des militant-es cherchent à avancer, à construire cet outil pour la généralisation des luttes.

Une première convergence s’impose : celle des salariés des entreprises qui ferment et qui licencient. La filière automobile occupe une place centrale dans la crise actuelle, les équipementiers, sous-traitants des grands groupes comme Renault et PSA licencient et ferment les uns après les autres, les salariés des donneurs d’ordre accumulent les jours de chômage partiel. La nécessité d’une riposte nationale de l’ensemble de la filière apparaît comme une évidence, c’est le sens de la journée du 17 septembre à la Bourse de Paris et de celles qui devraient suivre comme le 
2 octobre lors du salon des équipementiers. Elles doivent impérativement s’inscrire dans un plan de mobilisation global visant à faire plier les grands groupes donneurs d’ordres responsables de la crise mais aussi bénéficiaires des milliards d’aides publiques. Des cadres unitaires se mobilisent autour des principaux enjeux actuels comme le refus de la privatisation de la poste ou la défense des droits des sans-papiers, la manifestation féministe du 17 octobre ou la campagne Boycott désengagement sanctions (BDS) au côté du peuple palestinien. La défense de revendications précises, offensives et l’unité sont des points d’appui. Et sur chacun des ces terrains, mais aussi pour le droit à la santé contre l’augmentation du forfait hospitalier ou sur la question des retraites, nous avons toutes et tous besoin d’imposer un recul à ce gouvernement et d’enregistrer enfin une victoire.

Deux questions sont au cœur des crises du capitalisme et exigent la construction d’un rapport de forces qui ne se gagnera qu’en militant d’arrache-pied à la fois dans les entreprises, dans les quartiers populaires et dans la jeunesse, il s’agit de la question du droit à l’emploi avec la lutte contre les licenciements, les précarités et le chômage d’une part et de la défense du climat et plus globalement des questions liées à l’écologie d’autre part. Dans les deux cas, des collectifs unitaires se mettent en place : les Marches régionales contre les licenciements, le chômage et les précarités aboutissant le 5 décembre, la plateforme « Urgence climatique, justice sociale » à l’occasion du sommet de Copenhague en décembre. Ces cadres ne sont pas parfaits, ils sont le fruit de compromis et encore insuffisants du point de vue des forces investies… mais ils existent !

C’est avec les militantes et militants des partis, des syndicats, des associations, avec toutes celles et ceux qui sont motivés et déterminés que les mobilisations se construisent. Le NPA y prend toute sa place, non seulement pour les construire et en faire des mouvements massifs, implantés, mais aussi pour y défendre une cohérence politique sur une orientation anticapitaliste.

Bien sur, une étincelle peut mettre le feu à la plaine, une attaque de trop peut déclencher l’explosion sociale, c’est ce que nous espérons toutes et tous mais à ce moment-là rien ne sera perdu de ce que nous aurons construit, le réseau militant, le tissu de solidarité et de pratiques communes, l’élaboration de réponses anticapitalistes, bien au contraire !

1. à l’heure où nous imprimons le gouvernement semble reculer sur cette mesure, mais une brèche est ouverte