Sous prétexte de réorganisation et pour faire des économies, l’AP-HP ne cesse de fermer des centres IVG. Résutat, il est de plus en plus difficile d’avorter en Île-de-France
Alors que les délais d’attente pour avorter en Île-de-France sont déjà de trois semaines et que plus de la moitié des interruptions volontaires de grossesse (IVG) dans la région sont réalisées par le secteur privé qui ne respecte pas toujours les tarifs réglementaires et refuse parfois de prendre en charge les mineures ou les étrangères sans papiers, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) n’a rien trouvé de mieux à faire que de fermer trois structures IVG depuis le mois de mai 2009 : celles des hôpitaux Jean-Rostand, Tenon et Broussais. Le centre d’IVG de l’hôpital Avicenne fermera bientôt. Ces quatre structures récemment fermées, ou en passe de l’être, réalisent environ 2 800 IVG, sur les 12 000 pratiquées chaque année à l’AP-HP en Île-de-France. La direction de l’AP-HP assure que cette activité sera maintenue, que les femmes qui étaient accueillies par Tenon le seront dorénavant par l’hôpital Saint-Antoine (en attendant la fermeture annoncée de la maternité de Saint-Antoine et le transfert sur Trousseau de son activité IVG), que celles qui étaient prises en charge par Jean-Rostand, le seront désormais par Bicêtre, que l’activité IVG d’Avicenne sera transférée sur l’hôpital Jean-Verdier et que le centre d’IVG de Broussais déménagera dans quelques mois à Tarnier. Ces grandes manœuvres et ces fusions de services se superposent aux autres restructurations orchestrées par l’AP-HP dans d’autres domaines.
L’AP-HP cherche ainsi à faire des « économies d’échelle », c’est-à-dire à faire réaliser le même travail par moins de monde, et en profiter pour supprimer des postes.
En ce qui concerne l’avortement, les restructurations en cours présentent un avantage supplémentaire pour l’AP-HP : elles permettent de supprimer les centres d’IVG autonomes (produits de la lutte et de la pratique du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) et les unités fonctionnelles d’IVG dont les personnels et les locaux sont dédiés à cette activité. Il s’agit de les noyer dans les services de gynécologie-obstétrique dont l’IVG est parfois la dernière des préoccupations et d’en finir ainsi avec des équipes militantes et motivées. Ce processus de normalisation répond donc à des objectifs économiques autant qu’idéologiques.
D’autre part l’argument relatif à la nécessaire réduction des délais d’attente pour avorter est parfois utilisé contre le service public. Ainsi Philippe Douste-Blazy, lorsqu’il a enfin satisfait une vieille revendication des militantes en signant, en 2004, le décret autorisant la pratique de l’IVG médicamenteuse en ville, l’a justifié en disant que cette méthode allait permettre de réduire les délais d’attente pour avorter à l’hôpital. Or, la possibilité d’avorter hors de l’hôpital doit être défendue comme un moyen d’élargir la palette de choix des femmes, non comme un prétexte pour dédouaner le service public de ses responsabilités en matière d’avortement. En aucun cas l’IVG médicamenteuse ne peut remplacer entièrement l’IVG par aspiration.
Un des résultats de cette politique de démantèlement du service public de santé, c’est que la situation actuelle de l’avortement à l’hôpital public correspond à un recul grave par rapport à l’obligation hospitalière incluse dans la loi de 1979, qui impose à chaque hôpital public de créer une structure pour pratiquer les IVG, y compris en cas d’opposition du chef de service de gynécologie.
C’est entre autres raisons pour dénoncer cette politique que nous luttons nombreuses et nombreux contre chaque fermeture de centre, pour les droits des femmes, pour leur liberté, pour leur autonomie, pour la défense de l’hôpital public et de ses structures IVG autonomes (en termes de personnel, de budget et de direction), et pour la création d’autres structures dédiées à l’IVG dans les hôpitaux où elles n’existent pas.
Pour que le droit à l’avortement ne soit pas un article de loi sans contenu ni garantie, mais un droit réel, pour toutes.
Maud Gelly.