Ces dernières semaines, la droite du sarkozysme s’est illustrée par son opposition à deux festivals musicaux, afin de mettre en difficulté les élus socialistes. La fraction conservatrice reprend l’offensive au sein de la majorité présidentielle et ouvre un espace supplémentaire à l’extrême droite. Tout d’abord, comme nous en informe Libération1, les députés UMP, Yanick Paternotte et Claude Bodin, co-signataires de la tribune « Respectons l’engagement de 2007 »2 demandent, le 8 avril, l’interdiction du concert de rap Maghreb United3 programmé deux jours plus tard au Zénith de Paris. Les deux élus du Val-d’Oise sont « scandalisés de constater qu’une telle manifestation ait pu être autorisée par le maire de Paris pour mettre à l’honneur […] les appels à la haine et à la violence de pseudo-chanteurs n’ayant de cesse de bafouer et d’insulter nos valeurs nationales ». Manque de bol, le Zénith de Paris est géré par l’établissement public de la Villette, c’est-à-dire… par l’État. Les deux élus UMP ont manqué une occasion de se taire. Concernant la deuxième « affaire », on aurait pu croire à une opération de diversion visant à dissimuler les scandales auxquels le Vatican est confronté (négationnisme, pédophilie…). En réalité, la condamnation du festival Hellfest de Clisson4 (Loire-Atlantique) par Philippe de Villiers et Christine Boutin est un « coup » orchestré à quelques jours du scrutin régional en Pays-de-Loire. Rappel des faits. Mi-février, l’association anti-IVG Cité et culture5 fait parvenir un questionnaire aux candidats de la région, dont l’UMP Christophe Béchu et le PS Jacques Auxiette. Parmi les questions, on peut lire, concernant la culture, une interpellation sur les subventions octroyées au Hellfest par le conseil général et le conseil régional6. Afin, sans doute, de mobiliser l’électorat de droite, Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France (MPF), enfourche ce cheval de bataille jusqu’ici monté par Gonzague de Chanterac7. Il déclare à la tribune du meeting départemental de la liste conduite par Christophe Béchu (en présence de François Fillon) à Nantes, le 11 mars : « Nos valeurs ne sont pas celles qui poussent le conseil régional actuel [socialiste ndla] à financer un festival sataniste ». Durant l’entre-deux tours, la présidente du Parti chrétien-démocrate Christine Boutin enfonce le clou et envoie une lettre ouverte au PDG de Kronenbourg (partenaire du Hellfest). Elle y dénonce « un festival qui véhicule et promeut la culture de mort ». Le 30 mars, à l’Assemblée nationale, le député socialiste Patrick Roy demande à Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, de se démarquer des propos tenus par Villiers et Boutin. Sa réponse8 crée la polémique parmi les parlementaires de droite, MPF en tête, et les tensions s’exacerbent au sein du comité de liaison de la majorité présidentielle (dont le CNI est absent). Ce qui est assez savoureux, il faut bien l’admettre. Pourtant, l’offensive de l’aile droite de la majorité présidentielle, à laquelle Sarkozy donne des gages ces dernières semaines, donne crédit à l’activisme d’extrême droite : la campagne de lobbying contre le festival Hellfest se poursuit, essentiellement portée par des groupes et sites catholiques intégristes, nationaux-catholiques et nationalistes. Gabriel Gérard1. Libération, 9 avril 2010.2. Parue dans Valeurs actuelles, n° 3826, cette tribune structurée par « la fierté de notre identité culturelle » revendique, entre autres, l’emploi, la sécurité, l’arrêt de l’immigration de peuplement et la fin des 35 heures. 3. Le projet Maghreb United est un album sorti en juin 2009, à l’initiative de Rim’K, rappeur du groupe 113, et 40 artistes des scènes rap et R’n’B françaises. Puis une tournée dont le point d’orgue est un concert prévu au Zénith de Paris. 4. Ce festival rock-métal existe depuis 2006. Le programme 2010, assez alléchant pour les fans du genre, est consultable sur www.hellfest.fr.5. Cette association de Cholet est proche des intégristes d’Ictus. 6. Moins de 1 % du budget du festival selon les organisateurs.7. Secrétaire général des jeunes du Centre national des indépendants (CNI), Chanterac, qui a été proche des nationaux-catholiques de la Garde franque et du FNJ, est co-listier de Christophe Béchu, dans le cadre d’un accord départemental UMP/MPF de Vendée. Un « accord amical » entre Villiers et Gilles Bourdouleix (président du CNI) a été conclu. 8. « Des affiches faisant référence à la mythologie associée à cette musique susciterait un certain émoi et le bruit court que le doux pays du Puy-du-Fou deviendrait le gouffre de Lucifer. Allons, il faut raison garder ! »