Depuis 1998, régulièrement, les enseignantEs de Seine-Saint-Denis sont en pointe dans les mobilisations. La Seine-Saint-Denis est un vaste laboratoire pour le gouvernement. Ce département a souvent été précurseur, testeur des politiques « éducatives » des différents ministres de droite ou de gauche. Face à cela, les enseignants, les personnels et les jeunes ne se sont pas laissé faire et se sont battus pied à pied.
La révolte vient de loin
Mars 1998 : la gauche plurielle est au pouvoir depuis quelques mois et son ministre, Claude Allègre, s’emploie à « dégraisser le mammouth », appliquant avant la lettre la politique de Sarkozy et insultant régulièrement les enseignantEs. Un rapport propose quelques heures d’enseignement en plus pour la Seine-Saint-Denis, sous-estimant manifestement les problèmes de ce département. Douze collèges partent en grève, bientôt suivis par tous les enseignants du primaire et du secondaire, et début mai, une des rares victoires de ces dernières années est obtenue, avec 3 000 postes.
Au-delà de ce succès revendicatif, c’est la tenue de la lutte qui reste exemplaire. La grève de la Seine-Saint-Denis a pris la forme d’un véritable mouvement social pour le service public d’éducation, impliquant les parents et à certains moments les jeunes scolariséEs. La lutte a été animée de bout en bout par l’assemblée générale des établissements (souvent mandatée par les AG de bahuts et de ville). Les organisations syndicales présentes y faisaient leurs propositions et appliquaient dans l’ensemble ses décisions.
Les raisons de cette lutte d’exception résident dans les problèmes sociaux et scolaires d’un département très homogène dans la difficulté. Dans ce qu’est son milieu enseignant, formé en grande partie de jeunes profs et instits, révoltés par l’absence de moyens mis à leur disposition pour lutter contre les inégalités sociales, criantes dans le 93. Dans le nombre et la détermination des militantEs, très présentEs en Seine-Saint-Denis. Il faut également ajouter le renouvellement important des enseignants tant dans les écoles que dans les collèges et les lycées. Une majorité des collègues mobilisés en 2009 n’étaient pas enseignants en 2003 et n’avaient pas connu le « poids des défaites ».
Cette grève de 1998 a fait des émules les années suivantes, jusqu’à la mobilisation de 2003 sur les retraites où la généralisation de la grève n’a pu empêcher la défaite, mais l’enjeu et le cadre étaient autres cette fois. Cependant, il reste, en Seine-Saint-Denis, la détermination à lutter alors que les acquis de 1998 ont été largement repris par les suppressions de postes.
La Seine-Saint-Denis toujours en lutte
Un acquis du mouvement de 2003 a été de maintenir après chaque journée de grève et de manifestation, des assemblées générales de l’Ile-de-France (AG IdF) ouvertes à tous les personnels, ainsi qu’aux directions syndicales. Ce cadre a toujours permis la discussion. Dès qu’un mouvement était assez fort, l’AG IdF permettait d’établir tous ensemble, et au-delà du 93 uniquement, les suites de la mobilisation.
La mobilisation de 2010 contre les suppressions de postes et la masterisation a vu (re)naître une nouvelle forme de mobilisation : la grève marchante. C’est-à-dire le fait que des grévistes passent d’établissement en établissement pour permettre l’extension de la grève. Des AG de villes ont réuni des enseignants et personnels du premier et du second degré. Il reste aujourd’hui encore de nombreuses listes électroniques de ville. Ces moyens peuvent se réactiver dès les prochaines mobilisations !
Raphaël Greggan, Robert Noirel