Publié le Lundi 29 novembre 2010 à 14h09.

Didier Super est un personnage

Didier Super publie avec Emmanuel Reuzé (dessin) La Vraie Vie de Didier Super (Delcourt, 10,50 euros). Il a joué sa comédie musicale Et si Didier Super était la réincarnation du Christ ? à la Bellevilloise, à Paris, en novembre.

Pourquoi une BD ?Manu Reuzé, le dessinateur, appréciait mes chansons et il m’a proposé de les mettre en BD. J’ai accepté mais j’ai trouvé plus intéressant de raconter mon expérience au sein de la production de disques et de concerts. Le sujet de la BD, c’est pourquoi les maisons de disques se cassent la gueule : ce n’est pas à cause du téléchargement illégal, pas à cause d’Internet, mais parce qu’elles vendent trop cher de mauvais disques. Les cassettes, les vinyles, étaient aussi copiés. Je viens du théâtre de rue : c’est là que j’ai créé le personnage de Didier Super et ses chansons. Cela me donnait une petite liberté par rapport aux maisons de disques, parce que je faisais mon boulot avant elles et que j’ai continué après. Quand mes chansons ont fait un buzz sur Internet, ce sont elles qui sont venues me chercher et j’ai fait le premier disque que je voulais faire, avec mes chansons. J’ai fait bosser un pote pour l’enregistrement, qui a failli ne pas être payé, mais j’ai pu imposer mes exigences et bosser à peu près comme je voulais. La petite maison de production s’appelait V2, elle a été rachetée par Polydor qui s’est retrouvé chez Universal, mais c’était les mêmes mecs. Ils ont commencé à me casser les couilles : « t’es le nouveau Coluche, c’est super ce que tu fais, il faudrait que tu fasses un autre disque ». Je leur ai proposé de faire un disque avec les chansons que j’aimais moins, celles que je ne chantais plus en concert. Ils ont accepté, ce qui les intéressait c’était la marque Didier Super, pas mon travail. J’ai accepté parce que ça me fait toujours marrer d’enregistrer mes chansons. Quels sont tes projets ?    Mon succès en 2004 a été un feu de paille, pendant une année. Après ce buzz, j’ai fait de mauvais concerts, organisés par une société de tourneurs qui ne pensait qu’à l’argent. Les gens venaient voir un gentil débile, ils riaient mais ne comprenaient pas que Didier Super est un personnage, qu’il y a du travail derrière. Le succès m’a fait connaître, mais pas en bien. L’effet de mode n’est jamais très très bon, parce que le public ne vient pas voir un artiste mais consommer une vedette. Le jeune fan à la con n’est pas capable de considérer l’artiste au même titre qu’un boulanger. Or l’artiste, c’est un artisan, un bon boulanger. Je ne veux pas être démago avec ce genre de public. Universal a aujourd’hui rompu mon contrat, ils ne savaient que faire de moi, je ne le regrette pas, même si je trouve pas très correcte la manière dont ça s’est passé. Mais sur le fond, c’était un constat de non-lieu dans nos relations de travail. Mon boulot reste le spectacle de rue. Depuis que je ne fonctionne plus avec de grosses machines, je n’ai jamais autant tourné. Même si les centres culturels hésitent, j’ai 60-70 dates. J’ai fait d’abord un concert sans musique, un solo comique dans lequel je précisais bien, avec ce titre, que je ne chanterai pas mes chansons. Je fais maintenant une comédie musicale avec des potes, l’histoire d’un chanteur engagé qui a perdu toute raison de se plaindre. Il part à la quête du fumier à cause de qui ce monde va si mal. Une comédie musicale, c’est bien, c’est une pièce de théâtre de merde entrecoupée de chansons.

Tu sais que, même au second degré, tes chansons choquent parfois dans les milieux de gauche radicale ?C’est marrant, je suis sympathisant d’extrême gauche, mais c’est là où je m’attire le plus d’animosité. Dans les milieux alter, beaucoup de gens se prennent pour de vrais gentils qui ont le bon goût du savoir-vivre. J’avais accepté de participer à un concert de soutien aux faucheurs volontaires, par exemple. On s’est fait virer en plein milieu du concert par les organisateurs, qui nous ont demandé de tout arrêter. Le mec qui faisait le son s’est fait insulter. On venait de chanter une chanson où on disait qu’il fallait brûler les enfants, et après notre départ un mec vient sur scène et dit sérieusement : « C’est pas vrai ce qu’ils disent, c’est pas bien de brûler les enfants ! » C’est dommage d’en arriver là alors qu’on venait bénévolement ! Bon, la BD montre qu’avec le fonctionnement du système musical, un artiste ne peut pas être de droite, une vedette si ! Au fait, le NPA, vous serez jamais élus, y a trop de vieux dans ce pays, ils ont arrêté de croire toutes vos conneries ! Propos recueillis par Sylvain Pattieu