Par Henri Clément
Après Reality Show et Le Bibliothécaire, le dernier roman de Larry Beinhart continue de tracer son sillon. Avec L’évangile du billet vert, l’auteur s’attaque au poids de la religion et à ses relations dangereuses avec les puissances financières. La galerie des personnages est à elle seule un condensé de la complexité du problème : un étudiant musulman est soupçonné d’avoir assassiné un universitaire libre penseur. Dans les USA de l’après 11 septembre, autant dire que le jeune Ahmad Nazami n’est pas loin d’être lynché sur place. Pour autant, un avocat juif doute de sa culpabilité et demande à son vieil ami, un ancien flic alcoolique néo-converti et born again, de l’aider à prouver son innocence.
Avec ce cocktail détonnant, Beinhart construit un scénario efficace et un très bon polar politique, véritable autopsie de la société étatsunienne. En particulier, il met en scène combien les dynamiques politiques des églises évangélistes servent de soubassements à une vision véritablement totalitaire. Militants de l’armée de Jésus, sous des dehors souvent charmants, ses hommes et ses femmes se révèlent prêts à détruire une bonne partie de la population pour réaliser ce qu’ils considèrent être les desseins de Dieu. Le tableau peint par Beinhart évoque le documentaire Jesus Camp, réalisé en 2006 par Heidi Ewing et Rachel Grady, dans lequel on voyait des préadolescents recevoir un entraînement paramilitaire, complété par une formation à la prédication.
Cette vision glaçante de légions fanatiques est tempérée par l’humour du narrateur et les contradictions entre foi et raison dans lesquelles se débat son enquêteur. Ce polar vient à point rappeler l’ampleur du fanatisme chrétien au sein de la société états-unienne, quand on ne voudrait voir que la seule question de l’islamisme : la dictature religieuse à racines judéo-chrétiennes bien de chez nous n’est pas plus rassurante !
L’évangile du billet vert, Larry Beinhart, traduit par Samuel Todd, Folio policier, 2012, 432 pages, 7,50 euros.