Publié le Mercredi 23 octobre 2013 à 21h31.

Obama mis en échec, reste à dégager Assad

Le 21 août, l’armée de Bachar al-Assad a lancé sur la population du district de Ghouta, dans la banlieue est de Damas tenue par la rébellion, l’attaque au gaz sarin qui, selon les sources locales, a causé 1729 morts.

Jusqu’à cette date, l’administration US s’était pour l’essentiel contentée d’observer l’évolution du conflit. Son action s’était cantonnée au champ de la diplomatie, sur lequel elle cherchait à convaincre ses « partenaires » (en premier lieu le gouvernement russe) qu’il convenait d’imposer des négociations avec en vue une solution « à la yéménite », c’est-à-dire le retrait d’Assad et quelques réformes de façade contre le maintien des structures du régime. Pourquoi alors a-t-elle subitement annoncé qu’elle se préparait à des bombardements « punitifs » ?

Il y allait d’abord de la crédibilité des Etats-Unis d’Amérique, de leur capacité à faire respecter un minimum d’« ordre » dans le monde, en particulier dans ce Moyen-Orient si stratégique de par ses ressources pétrolières. Obama avait en effet fixé au régime syrien une « ligne rouge » à ne pas dépasser dans sa guerre contre son peuple, et cette limite était précisément l’usage de l’arme chimique. Nul revirement, donc, mais la conscience aiguë que dans cette région explosive, où Israël et l’Iran ont déjà menacé d’en venir aux mains, il faut éviter que tout devienne incontrôlable.

Le camouflet d’Obama

S’il n’y avait l’horreur des massacres qui se poursuivent, on serait tenté de dire que la guerre en Syrie a fait une victime supplémentaire, et de taille : Obama lui-même, qui a dû remballer piteusement son projet de « frappes » aériennes. Sans compter le malaise de ses deux nouveaux caniches, Cameron qui a subi une défaite humiliante devant le parlement britannique, Hollande qui se retrouvait très isolé dans son opinion publique comme dans le monde politique.

On prendra le temps de réfléchir à la portée (historique ?) de ce camouflet, mais deux choses doivent être soulignées dès à présent. La première est que ce revers de l’impérialisme dominant est d’abord le résultat de ses échecs en Afghanistan et en Irak, auxquels les mobilisations anti-guerre dans les pays occidentaux ont naturellement participé ; on constate sur ce plan à quel point les mensonges de l’administration Bush, en 2003 à propos de l’Irak, ont désormais un impact dévastateur.

La seconde est qu’il s’agit d’une excellente nouvelle, voire d’un immense soulagement, car une telle intervention aurait eu des conséquences très graves pour les révolutions arabes. En Syrie même, où Assad et son régime, qui se seraient vus donner l’opportunité de brandir l’étendard de l’indépendance nationale face aux anciens colonisateurs et nouveaux agresseurs impérialistes, en auraient été sensiblement renforcés. Mais aussi dans toute la région, particulièrement l’Egypte où le gouvernement militaire utilise aujourd’hui à fond – et très démagogiquement – la fibre nationaliste (progressiste dans un pays dominé ou dépendant) contre tous ses opposants. 

Contre l’impérialisme et contre Assad

Obama, toujours flanqué de ses deux petits caniches, en a donc été réduit à accepter la médiation de Poutine, fidèle allié et soutien de Bachar al-Assad : organiser sous l’égide de l’ONU un contrôle, suivi d’une éventuelle destruction de l’arsenal chimique syrien. Pendant ce temps, le régime pourra librement (mais non chimiquement) continuer de tuer en masse, tandis que les révoltés continueront de manquer des moyens de se défendre – lance-rockets antichars et armes anti-aériennes – auxquels l’accès leur reste interdit ; sauf pour les groupes islamistes équipés par l’Arabie saoudite et le Qatar, autre face de la contre-révolution.

Les velléités guerrières (et frustrées) d’Obama et la proposition « de paix » de Poutine ont le même objectif politique : obtenir une sorte de transition négociée qui préserve le statu quo régional. Dans les deux cas, le perdant est le peuple syrien. Lutter aujourd’hui contre l’intervention de l’impérialisme en Syrie – qu’il soit étatsunien, russe ou français –, c’est d’abord soutenir, par tous les moyens à notre disposition, le combat de libération des masses.

Jean-Philippe Divès