Publié le Vendredi 26 juillet 2013 à 12h24.

Anticolonialisme : à propos de la disparition d’Henri Alleg

Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur Henri Alleg décédé la semaine dernière. Souvent beaucoup de mensonges et pas mal d’hypocrisie de la part des personnalités politiques de gauche qui lui ont rendu hommage.

Henri Alleg, militant du PCA torturé par les paras de Massu, est un des symboles de la lutte anticolonialiste. Il restera dans l’histoire, tout comme les communistes Raymonde Dien qui se coucha sur le rails pour empêcher un train de munitions de partir pour la guerre en Indochine, le marin Henri Martin qui refusa d'y servir ou le soldat Alban Liechti qui fera de même pendant la guerre d’Algérie. Mais en matière d’hypocrisie, commençons par les larmes de crocodiles des dirigeants PS pleurant la disparition d’Henri Alleg, alors qu’il suffit de rappeler que l’insurrection algérienne a commencé en 1954 et que l’essentiel de la guerre répressive a été menée par un gouvernement socialiste sous la houlette des Guy Mollet, Lacoste ou Mitterrand. Ce dernier qui proclamait que « l’Algérie était française » a été ministre de la justice jusqu’en mai 57 et c’est lui qui a refusé de gracier 45 condamnés à mort qui seront guillotinés, comme le communiste Fernand Yveton ou un autre membre du PCA, l'aspirant Maillot qui avait déserté en 1956 et sera arrêté, puis assassiné.

Les opposants tardifs à la guerreLe PCF, qui joue aujourd’hui sur ses « martyrs », oublie de dire qu’en 1954, comme le PCA, il avait condamné le début de l’insurrection armée, puis voté en 1956 au Parlement les « pouvoirs spéciaux » qui ont permis au gouvernement dirigé par Guy Mollet d’envoyer le contingent en Algérie. Par la suite, le PCF, partisan de la « paix en Algérie » et non de l’indépendance, s’est opposé à celles et ceux qui se sont engagés dans les réseaux de soutien au FLN (réseaux Jeanson, Curiel, ou à Jeune résistance, organisation agissant dans l’armée, bloquant les trains de soldats partant pour Marseille, aidant les déserteurs). Beaucoup de militants communistes furent exclus du parti pour avoir milité dans ces structures, souvent au coté de chrétiens comme ceux qui éditaient la revue Témoignages et Documents. Le PCA ne ralliera le FLN qu’en 1956 après avoir créé ses propres groupes armés, et ça n’est qu’à la fin de la guerre que le PCF demandera à une vingtaine de ses militants (presque tous fils de dirigeants) de refuser de partir à l'armée et donc de se faire arrêter. Il n’est pas question ici d’ignorer le rôle du PCF dans cette bataille anticolonialiste mais de rétablir quelques vérités, y compris pour comprendre l’origine des exclusions et le rôle de la guerre d’Algérie pour la génération de 68 et d’après. Signalons enfin qu’Alleg était devenu un opposant organisé à la direction actuelle du PCF, lui reprochant ses « capitulations ». Membre du Pôle de renaissance communiste en France, ce nostalgique de l’URSS était aussi membre du Comité Honecker de solidarité internationaliste (du nom de l'ancien dirigeant d'Allemagne de l'Est…).

Alain Krivine