Publié le Mercredi 3 août 2016 à 09h47.

2018, 2022, 2024 : combattre la logique « du pain et des jeux »

Différents événements sportifs mondiaux à venir font déjà polémiques et cristallisent une opposition grandissante. Parmi ceux-ci, les Mondiaux de football de Russie en 2018 et au Qatar en 2022. Et la candidature de Paris pour les Jeux olympiques en 2024 a pour l’instant, et malgré les efforts conjugués de l’État et de la mairie, plus vaincu que convaincu...

Vous avez aimé les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi, vous adorerez le Mondial en Russie dans deux ans !

De Sotchi au Mondial 2018, la polémique

On s’en souvient, les derniers Jeux olympique d’hiver à Sotchi avaient été l’objet de nombreuses critiques. D’abord un coût total délirant : 37 milliards d’euros, les JO les plus chers de l’histoire, loin devant ceux de Pékin (26 milliards) et ceux de Nagano (14,6 milliards d’euros, le record pour des Jeux d’hiver). À cela il a fallu ajouter les délires patriotiques poutiniens, les lois liberticides, la guerre en Ukraine, l’homophobie d’État quasi officielle, etc. Mais visiblement tout cela n’a pas dégoûté la FIFA : il faut dire que, comme pour l’attribution du Mondial au Qatar en 2022, les conditions dans lesquelles le vote a eu lieu en 2010 font aujourd’hui l’objet de suspicions d’irrégularités, de trafics d’influence, voire d’arrangements mafieux...

Comme pour les JO de Sotchi, les budgets explosent, passant d’une estimation de 10 milliards d’euros à au moins deux à trois fois plus aujourd’hui : les stades bien sûr mais aussi les routes et autoroutes, aéroports, hôtels de luxe, zones commerciales, etc. Le dernier Euro de football nous a aussi donné il y a quelques jours un avant-goût de la violence raciste et xénophobe des groupes de supporters ultras, soutenus en haut lieu au nom des valeurs de la Russie...

Aussi des appels au boycott ont été lancés, minoritaires mais réels. Ainsi la Pussy Riot Nadejda Tolokonnikova, « Le peuple ne croit ni aux JO, ni à la Coupe du monde. Cela ne sauvera pas la Russie. Le peuple espère autre chose. Les Russes se rendront peut-être compte qu’on ne dépense pas l’argent pour les bonnes raisons : la santé, la politique, la culture. On le flambe dans les compétitions sportives qui ne sont d’aucune utilité. (…) Boycottez la Coupe du monde 2018 en Russie ! » Mais soyons rassurés : malgré les accusations de dopage qui entache ces derniers jours l’ensemble du monde sportif russe ou les tensions diplomatiques de ces dernières années avec Poutine, toutes les instances sportives – UEFA et Michel Platini en tête – ont bien pris position contre un possible boycott.

Au Qatar, le Mondial de l’exploitation

Ces derniers mois, c’est le Mondial suivant attribué au Qatar pour 2022, qui a été au centre des polémiques. Jouer au football en plein été dans un émirat du Moyen-Orient, aucun problème ? En fait si, beaucoup !

À commencer par les soupçons de corruption qui ont fait jour lors du récent scandale au cœur d’une FIFA largement corruptible... et largement corrompue ! Mais aussi parce que, pour pouvoir pratiquer le ballon rond à une température pouvant atteindre les 41,5 °C, l’organisation qatarie s’est lancée dans la construction de stades couverts et climatisés, dont le futur théâtre du match d’ouverture et de la finale, 80 000 places à Lusail, ville qui sort de terre à une quinzaine de kilomètres au nord de Doha dans le cadre d’un projet pharaonique estimé à 45 milliards de dollars (environ 42,4 milliards d’euros)... Il faut dire que l’ensemble du Mondial coûterait plus de 200 milliards d’euros, un montant équivalent au PIB annuel du Qatar...

Dans ce cadre, de nombreux communiqués et rapports de confédérations syndicales ou d’ONG comme Amnesty international ont donné un cruel coup de projecteurs sur le sort des travailleurs participant aux travaux de construction des stades et infrastructures : conditions de travail et d’hébergement indignes, retards de salaire de plus d’un an, vols de passeport... Au-delà des accusations d’esclavage, c’est surtout le nombre d’ouvriers morts sur les chantiers qui frappe : 1 200 victimes, dont de nombreux Népalais et Indiens, selon la Confédération syndicale internationale. Le comité d’organisation qatari rejette bien évidemment en bloc ces accusations et nie les chiffres.

Mais comme le dit, Mustafa Qadri d’Amnesty, « C’est une Coupe du monde basée sur l’exploitation »...

L’olympisme version Paris

« Ni François Hollande ni Anne Hidalgo n’ont été élus pour servir les intérêts d’institutions sportives affairistes et corrompues. (…) Dans le contexte de la crise sociale, économique et écologique que connaît la France d’autres priorités s’imposent absolument, aussi bien pour l’emploi, l’éducation, la santé publique, le logement, les transports en commun, la recherche scientifique. » Cet extrait tiré d’une tribune publiée par le Huffington post, « La corruption, la fraude et le dopage, disciplines olympiques, Paris ne doit pas courir après les Jeux 2024 ! » résume assez bien les arguments contre la candidature de la capitale à l’organisation des JO de 2024.

Depuis le 16 septembre 2015, Paris est officiellement ville candidate, en concurrence avec Budapest, Los Angeles, et Rome (Hambourg a dû se retirer après un référendum sur la question fin novembre 2015). Quelque mois plus tôt, le Conseil de Paris, poussé par la maire PS Anne Hidalgo, avait approuvé à une très large majorité l’engagement de la capitale. Une belle unanimité allant de la droite UMP au PCF, à l’exception notable des éluEs d’EÉLV et de Danielle Simonnet du PG (à l’origine d’une pétition début 2015 demandant la non-candidature de la capitale).

Pour cette dernière, les JO sont taillés « pour les multinationales, pas pour répondre aux besoins de la population. (…) Les multinationales vont se remplir les poches, notamment grâce aux exonérations fiscales. (…) Il y a une logique capitaliste inhérente au Comité international olympique. (…) Les investissements iront dans de grands projets en oubliant les équipements de proximité ». Des propos auquel on ne peut que souscrire. Ces peut-être futurs JO parisiens sont notamment annoncés avec un budget prévisionnel total d’environ 6,2 milliards d’euros (dont 3 milliards sur fonds publics...). Or, durant ces trente dernières années, aucun budget annoncé pour les JO d’été n’a été respecté : doublé pour les JO de Londres, d’Athènes, de Sydney, de Barcelone et de Séoul... jusqu’à une multiplication par 12 pour les JO de Pékin en 2008 !

À l’évidence, de l’argent il y en a ! Ne pourrait-il pas servir à autre chose qu’à engraisser les géants du BTP et le CIO ? Paris 2024, grand projet inutile imposé...

Manu Bichindaritz