Acte 2, Glénat, 192 pages, 22 euros.
« Écrit et réalisé » par Nicolas Pétrinaux est la bonne formule pour présenter cette BD tant elle s’apparente au meilleur du film noir et à la série B US revisité par Quentin Tarentino. Une BD pour ne pas se prendre la tête pendant quelques heures durant la trêve des confiseurs, une BD du genre « boum dans ta gueule » à chaque page, pour oublier Macron, Blanquer, Darmanin and Co. Et se recharger en énergie.
Le pire des tueurs ou le meilleur réparateur d’aspirateur ?
Falcon City, Arizona. Jacques Ramirez travaille à la Robotop, une entreprise d’électroménager et l’un des fleurons industriels du coin. Employé modèle, il bosse vite, bien, et sait surtout se faire discret. Pour cause : il est muet. Sa vie bascule le jour où deux membres d’un dangereux cartel venant faire réparer un mixer chez Robotop pensent reconnaître en lui l’homme qui a trahi leur organisation par le passé : Ramirez, le pire assassin que le Mexique ait jamais connu. Aussi étonnant que cela puisse paraître, sous le chapeau du nettoyeur légendaire se cacherait désormais... un expert en aspirateurs hors-pair. Et maintenant que les hommes du cartel l’ont démasqué, ils feront tout, absolument tout... pour flinguer ce fumier ! Démarre alors une explosive chasse à l’homme, dans l’atmosphère poisseuse du sud des États-Unis. La moitié des flics de l’Arizona et du FBI sont mobilisés, les hommes d’Hector Rodriguez, le boss du cartel de Paso Del Rio, dirigé par le cruel Ramon se rapprochent dangereusement avant de se faire flinguer les uns après les autres. Tandis que Ramirez ne lâche pas son aspirateur révolutionnaire, le fameux Vacuumizer 2000, deux braqueuses en fuite, Dakota Smith et Chelsea Tyler (une ancienne actrice à succès de nanars) embarquent Ramirez dans leur fuite sanglante.
Des scènes de violence ouvertes par des pub désopilantes
Toutes les vingt pages, l’auteur Nicolas Pétrinaux nous glisse des livrets publicitaires de consumérisme débile, de propagande politique néoconservatrice et ultralibérale ou des inserts de magazine « people » sur le cinéma avec des photos dénudées de l’actrice Chelsea Tyler. Aucun de ces inserts n’est « innocent » mais annonce que des politiciens tocards vont se faire flinguer ou que les autorités sont dépassées par la violence qu’elles ont elles-mêmes semée. Nous sommes dans les années 1980 de Reagan. Une pub pour un motel tout confort ou un garage automobile annonce une tuerie et la dévastation du lieu. Les systèmes de sécurité des énormes véhicules américains se transforment en piège à feu et, comme dans les films d’Audiard, les gangsters sont verbeux entre deux scènes d’ultra violence. La mise en page de l’album, aidée de traits et couleurs puissantes, explose littéralement tous les codes et cadrages. Il n’est pas rare que dans une seule case se déroule une action en plusieurs mouvements qui donne au récit, brutal et sans temps mort, une ligne cinématographique comparable aux meilleurs blockbusters américains ou hongkongais. Pour ne rien louper du spectacle, l’album dispose d’un code QR pour télécharger la bande son de la BD.
Un scénario plus malin qu’il n’y parait
Le projet initial de Il faut tuer Ramirez comporte trois actes. Cet album, qui en est le deuxième acte, dispose d’un résumé du premier afin que les lecteurEs ne se sentent pas perdus mais, de toute façon, il vaut mieux ne pas trop s’attacher aux personnages car leur espérance de vie est très limitée. Pourtant en refermant cet acte 2, nous ne disposons pas de toutes les clefs. La personnalité secrète de Ramirez se dévoile seulement un peu et on sait qu’il a eu une femme, batteuse dans un groupe de rock, et qu’il est lui-même virtuose pour accorder une guitare. Les nombreuses annonces publicitaires sur le festival de rock de Stone Creek dans les inserts de l’album nous laissent imaginer sans trop de risques que l’explication finale et atomique se réalisera au cours du festival mais bien malin celui qui trouvera la vraie nature et le rôle que jouera l’aspirateur Vaccuumizer 2000 dans l’Acte 3. Une BD jubilatoire !