Publié le Lundi 8 février 2016 à 11h15.

Bande dessinée : Velue

Velue, Tanx, éditions Six pieds sous terre, 2015, 13 euros. 

Velue, cette fillette, Isabelle, obligée de se raser entièrement le corps plusieurs fois par jour pour paraître « normale ». Et c’est cette contrition du corps qui est la condition de sa normalité et de sa présence dans la société « civilisée ». Une histoire extra-ordinaire, comme un conte féministe moderne, pour des sentiments et ressentiments si communs.

Il y a de la rage dans cette BD. La rage d’une jeune fille puis d’une femme, de devoir s’infliger cette violence quotidienne, de devoir supporter cette détestation de son propre corps. Cette injonction est la honte renvoyée par sa famille, par l’école, par ses collègues, qui se transforme alors en violence, puis en rage, dans une fuite et une cavale frénétique... libératrice !

Cette œuvre est un petit format, une BD courte, une jolie édition et un style graphique tranchant. Le style de Tanx est comme ça, très travaillé et brut : avec une ligne pas si claire héritée plutôt d’une certaine tradition de la bande dessinée alternative américaine. Le format de l’histoire, découpée en chapitres et originellement publié en feuilleton, est une autre référence aux comics et autre fanzines publiés à la semaine.

Le scandale du Grand Prix du Festival de la bande dessinée d’Angoulême nous l’a amèrement rappelé : quand les dessinatrices ne sont pas rares, elles sont... invisibles ! Alors occasion est donnée : une dessinatrice déjà, anarcho-féministe, et avec de la gueule en plus (et non pas des couilles...), et qui plus est douée ! Ça serait dommage de passer à côté. En plus de sa dernière BD, passez donc voir sur son site ses dessins, ses textes ou encore jetez un œil à ses magnifiques linogravures disponibles à la vente.

Manon Boltansky