Enid Blyton, la créatrice anglaise de la mythique série pour enfants du « Club des Cinq » est décédée en 1955. 62 ans plus tard, en 2017, les auteurs chevronnés que sont Nataël au scénario et Béja au dessinreprennent la série, et adaptent en BD les scénarios originaux d’Enid Blyton. Le tome 3 vient de sortir, et le tome 4 est en préparation pour les fêtes de fin d’année. Les trois premiers tomes, grâce à un mariage réussi d’une ligne claire affirmée et d’un scénario ramassé, sont réussis, et ont déjà l’air de classiques. En tout cas, l’élégance du dessin et la clarté du langage en font le support idéal pour initier les enfants à la BD. Lors de leur tournée de promotion dans les médias et en librairie, les auteurs ont bien voulu répondre aux questions de l’Anticapitaliste.
Comment passer d’une BD légèrement osée et anticolonialiste comme « Nolimé Tangéré » au « Club des Cinq », aventures pour la jeunesse, créées à la fin des années quarante en Angleterre, par Enid Blyton qui avait le souci d’être admise dans les familles plutôt conservatrices de l’époque ?
Nataël : La série du « Club des Cinq », qui fonctionne toujours très bien en roman, possède une dimension « anticapitaliste » par sa lutte contre l’individualisme et l’égoïsme de la société. Les enfants ne sont pas vraiment stéréotypés, et on comprend bien que l’héroïne principale des romans (Claude) par son androgynéité préfigure des personnages beaucoup plus modernes que la société anglaise ou française de l’époque refusait d’admettre. Enid Blyton en a elle-même souffert et se revendiquait être Claude à la fin de sa vie. Toutes ces raisons militaient pour une adaptation du texte original avec toutes les audaces que permet la BD et le dessin de Béja.
Béja : Effectivement, le classicisme de la série ne pouvait que convenir à mon style de ligne claire que je développe depuis des années. Et puis Enid Blyton propose cette liberté́ de l’enfance dans laquelle tous les âges peuvent se retrouver.
Justement, ne craignez-vous pas que ce soient les parents ou les grands-parents qui achètent et lisent tandis que les enfants se détourneraient ?
Nataël : En ce qui me concerne, lorsque j’écris un scénario du Club des Cinq, l’enfant qui en moi ne sommeille que d’un œil, se réveille. Il me suffit de le suivre. L’appel du grand air, de la mer, de l’exploration des cavernes et grottes nous semble universel et intemporel. Si nous pouvons détourner un moment les enfants des écrans, nous aurons gagné. C’est pourquoi nous avons décidé de « moderniser » certains titres et le Club des Cinq en vacances deviendra le Rocher maudit.
C’est une très bonne idée. Toutefois, pendant que vous défendez une vision aventure de la série, votre éditeur Hachette met l’image payante du « Club des Cinq » à toutes les sauces, avec des romans plus « adulte », où les Cinq se confrontent à l’alcool, au gluten et même au Brexit ! Cela ne manque-t-il pas de cohérence ?
Beja : Nous ne possédons pas les droits d’auteur du « Club » et ne ferons pas de commentaires. Signalons plutôt que nos BD ont été traduites en espagnol et en catalan, et vont incessamment l’être en allemand. C’est une grande source de satisfaction.
Introduction et interview réalisées par Sylvain Chardon