Joe Sacco, Futuropolis, 2014, 25 euros
Bien que fortement marqué par la « grande guerre » où périrent nombre de soldats venus d’Australie (pays de son enfance), Joe Sacco considérait que le sujet avait été totalement traité par Jacques Tardi, notamment dans sa BD C’était la guerre des tranchées. Après ses BD sur la Palestine et la Bosnie, Sacco craignait d’aborder encore le sujet de la guerre et de se répéter. Non seulement, il ne se répète pas mais il réussit un véritable tour de force en réalisant une fresque muette de près de 7 mètres de long. Son sujet : le 1er juillet 1916, début de la bataille de la Somme, la bataille la plus sanglante de la guerre de 1914, avec près de 60 000 victimes dont 20 000 morts dès le premier jour. Présentée en livre accordéon, cette nouvelle tapisserie de Bayeux (1) est accompagnée d’un livret où l’auteur reprend en miniature sa fresque et raconte, heure par heure, ce jour tragiquement historique. Le déroulé des événements parle de lui-même quant à l’aveuglement et aux responsabilités du haut-commandement dans le sacrifice des soldats qui marchèrent à la mort. Le dessin est compact et fouillé et fait fi de toutes perspectives ou proportions réalistes. Pourtant, on croirait assister à un film tant le traitement graphique est saisissant. Le livret inclut également un récit de la tragique bataille par l’historien américain Adam Hochschild qui la replace dans le contexte de la deuxième année de la grande boucherie. Il est rédigé en français et en allemand. C’est la tapisserie de Bayeux revisitée à l’aune du grand carnage impérialiste.
Sylvain Chardon1 – La Tapisserie de Bayeux, joyau de l’art médiéval, raconte l’histoire de l’invasion de l’Angleterre par les Normands, comme une BD en long.