Film étatsunien de Joel Edgerton, 1h55 min, sorti le 27 mars 2019.
L’acteur australien Joel Edgerton passe à nouveau derrière la caméra et réalise un drame sur les pudiquement nommés « centres de conversion » étatsuniens.
Jared, autour duquel se développe le récit, mène une vie lycéenne définie comme tout à fait commune, entre virées au lac, basket-ball et petite amie pom-pom girl : la caricature du (mauvais ?) rêve américain. La réalité du cauchemar, car l’adolescent révèle à ses parents son attirance pour les hommes. L’histoire s’ouvre à son entrée dans un « centre de conversion » ayant tous les atours d’une prison. Observés, traqués, humiliés, les détenus n’y ont pas d’effet personnel.
Le « péché » et les « soignants »
Très rigoureux quant à sa foi, son père, pasteur, défend une vision bien particulière de ce que devraient être les relations : Dieu fait un immense cadeau à l’humanité en permettant à un homme et à une femme de donner ensemble la vie. Une thérapie de choc formera des hommes comme il faut.
Il en va des postures, des activités pratiquées, tout en passant par l’exposition de sa vie intime, toujours rattachée au péché, sous le regard humiliant des « soignants », les chefs.
La sortie, il y a vingt ans, du satirique But I’m a Cheerleader, avait rendu célèbre ces camps hors des États-Unis. Boy Erased, basé sur l’autobiographie de Garrard Conley, expose douloureusement leurs horreurs à l’heure où Mike Pence, vice-président des États-Unis, préconise le développement de ce genre de tortures à l’échelle nationale. Et le film ne sera évidemment pas diffusé dans le Brésil de Bolsonaro…
Les difficultés de Jared naissent du regard et des dires assassins portés à son encontre, par sa famille, les institutions religieuses, voire toute la société. Ce film habile ne romance pas l’homosexualité, et la présente comme subie. Toute la narration se construit autour du refus familial implacable et de toute la machinerie complexe mise en place pour la contrainte. Le chemin que l’inquiétude de ses parents amène Jared à parcourir, via le centre de conversion, tend à nier la singularité du jeune homme, qui n’apparaît que de façon morcelée à travers des flash-backs. L’individu doit ainsi lutter pour ne pas disparaitre de sa propre biographie.
Judith Kermau