De Marco Martins, avec Nuno Lopes, Mariana Nunes et David Semedo. Sortie le mercredi 17 mai.
Au début de sa nouvelle Une tranche de steak (1909), Jack London décrit son héros, boxeur sur le déclin : « En résumé, c’était la physionomie d’un de ces hommes qu’on ne se soucie guère de rencontrer dans une ruelle sombre ou un lieu écarté. Pourtant Tom King n’était pas un malfaiteur et n’avait jamais commis la moindre action criminelle. À part quelques rixes assez ordinaires dans son milieu social, il n’avait jamais fait de mal à une mouche : et jamais on ne l’avait vu chercher noise à quiconque. Boxeur professionnel, il réservait toute sa brutalité pour ses apparitions en public. »
Cette description s’applique tout à fait à Jorge. Ouvrier et boxeur, il est en échec sur tous les plans : il a été licencié, il décline comme boxeur et sa femme l’a quitté. Pour gagner sa vie, il accepte un emploi dans une société de recouvrement de dettes. Il doit accompagner deux agents chargés de récupérer les sommes dues par des emprunteurs en perdition. Un jour, on lui demande de frapper…
Ce film – qui mêle des non-professionnels interprétant des situations réelles et de véritables acteurs (dont Nuno Lopes qui joue magnifiquement le personnage de Jorge) – se veut aussi une évocation des retombées de la crise au Portugal. À la fin de l’année 2011, la situation est catastrophique : de nombreuses familles et entreprises se retrouvent dans l’incapacité de payer leurs dettes. Une aubaine pour les officines de recouvrement de dettes, qui sèment la terreur pour récupérer des créances qu’elles ont délibérément rachetées aux créanciers.
Ces sociétés et leur méthodes ont été un des thèmes de Raining stones de Ken Loach, mais chez ce dernier, il y a une solidarité entre ceux d’en bas, pas dans ce Lisbonne de pauvres qui essaient de survivre d’allocations ou de salaires de misère. Saint-Georges est un film noir dans tous les sens du terme, non seulement par son scénario mais par ses images d’une ville qui suinte la tristesse. Une note optimiste cependant : la dignité de Jorge, sa tendresse pour son fils Nelson et son amour, sa femme Susana, d’origine brésilienne (la « négresse », comme on en parle avec mépris dans la famille...).
Henri Wilno