De Bertrand Tavernier. Sortie le mercredi 12 octobre.
Dans ce documentaire, cet érudit, ce réalisateur passionné de cinéma, nous emmène depuis les débuts du parlant jusque dans les années 1970. On n’est pas déçu par le résultat. Les choix qu’il fait sont ceux qui ont marqué sa propre histoire, depuis l’enfance : les films qu’il allait voir pendant les heures de cours qu’il séchait, les revues sur le cinéma qu’il éditait à l’université, son travail de critique, d’assistant ensuite, ce qui l’a conduit jusqu’à la réalisation. Certes il oublie du monde dans sa sélection et pas des moindres, mais son travail n’est pas une encyclopédie mais sa vision personnelle sélective.
Le film dure trois heures mais la balade dans le temps est passionnante et on ne le voit pas passer. Acteur lui-même, il parle face à la caméra, avec l’humour qu’on lui connaît. Une façon de mettre en scène son strabisme divergeant, un œil qui vous parle, l’autre qui explore son sujet à la recherche d’une pépite à faire découvrir. Et il y en a. Ses auteurs, ses acteurs, ses musiciens, ses chefs opérateur se bousculent sur l’écran en une multitude de séquences qu’il nous restitue : Jean Renoir, Jacques Becker, Julien Duvivier, Jean Carné, Jean-Pierre Melville, Eddy Constantine, Jean Gabin, Louis Jouvet, Arletty, Simone Signoret, Romy Schneider, Michel Simon, Jean Vigo, Joseph Kosma, Alexandre Trauner et tellement d’autres… Un sentiment de frustration né de ces films à peine évoqué qu’on voudrait revoir, d’autant plus qu’ils ont été totalement rénovés, ce qui assure du coup une « présence » accrue des acteurs sur l’écran. C’est Jean Gabin qui tire son épingle du jeu dans le panthéon de Tavernier. Il nous fait sentir comment cet acteur a su personnifier l’état d’esprit de la population ouvrière d’avant-guerre en marche vers le Front populaire.
Bref, un documentaire de pur bonheur qui annonce une suite.
Jean-Marc Bourquin