Éditions Écosociété, 160 pages, 14 euros.
L’intérêt de l’ouvrage collectif Débrancher la 5G ? réside dans l’étendue de l’étude sur cette technologie. Issu des travaux de l’Atelier d’écologie politique à Toulouse, il cite plus de deux cents sources, études et déclarations publiques de nombreuses institutions. Ce sérieux n’empêche pas une critique de fond très pertinente.
Une technologie indispensable ?
Pour les partisans de la 5G, cette technologie sera indispensable dans l’avenir : nous n’aurions pas le choix, la 5G constituerait une évolution nécessaire des systèmes existants.
Or, la 5G apparaît comme une technologie destinée à alimenter un marché et une croissance financière et économique, aussi bien pour les secteurs actuels des télécommunications et des terminaux (téléphones mobiles, ordinateurs, caméras), que de nouveaux secteurs (automobile, électroménager). Cette évolution permet ainsi de garantir un horizon de remplacement des terminaux actuels, qui arrivent aujourd’hui à saturation.
Les nouveaux débouchés, censés justifier la 5G avec de nouvelles applications, consistent à introduire « l’internet des objets », soit 3,5 milliards de nouvelles connexions (selon une estimation de la compagnie Ericsson). Cela signifie espérer connecter une série de nouveaux équipements, comme des appareils domestiques, pour améliorer le confort des utilisateurs et utilisatrices.
Autre grand secteur promis à cet avenir radieux, la voiture « connectée » et « autonome ». Enfin, la multiplication du nombre de caméras digitales vient compléter cet hypothétique horizon digital : en 2020, 70 % des objets déjà connectés en 5G sont des caméras de vidéosurveillance.
La plupart de ces objectifs ne sont qu’à l’état de projets, et représentent surtout la volonté de créer de nouveaux grands marchés solvables, en présentant ces nouveaux « services » comme un progrès considérable et une réponse à l’attente supposée des consommateurEs. La numérisation croissante des activités humaines et l’invention de nouveaux produits et services sont déterminées par une poignée de grandes entreprises, sans prendre en compte les conséquences climatiques, énergétiques et sociales de ces investissements (estimés seulement pour l’Europe à 500 milliards d’euros), que seules quelques multinationales peuvent réaliser.
La croissance exponentielle du nombre d’objets à connecter est un des arguments clés des partisans de la 5G. Car il semble difficile de justifier la réduction de 20 à 2 secondes pour le téléchargement d’un film comme une avancée décisive. La justification de la voiture « autonome » est encore plus risible, puisqu’un véhicule circulant dans des zones urbaines serait totalement dépendant des liaisons 5G et des logiciels et des données informatiques distants.
Ces aspects ont peu été mis en avant au moment où la contestation des nouvelles installations 5G a commencé à émerger. Car la critique se focalisait surtout sur les aspects sanitaires et sur les effets à court et moyen terme des nouveaux rayonnements des antennes.
Décision sanitaire ou politique ?
Sur les aspects sanitaires, l’ouvrage aborde de nombreuses études et arrive à une conclusion, qui selon ses auteurEs, n’est pas très satisfaisante. Les conséquences néfastes de l’usage intensif de la téléphonie mobile sont déjà attestés. Les effets thermiques des radiofréquences sont connus et ont conduit à la définition d’un champ électrique maximum. Par contre, avec les nouvelles fréquences et le type d’exposition des antennes et des terminaux de la téléphonie mobile, il n’est pas encore avéré que des modifications biologiques aient des conséquences sanitaires directement associées.
À l’heure actuelle, il n’est pas possible d’expliquer scientifiquement des conséquences malignes. Soit le résultat des études est trop imprécis, soit les mécanismes biologiques expliquant certaines observations liant de possibles séquelles sur les organismes vivants ne sont encore pas connus. Augmenter le nombre et le type d’études ne permettrait pas à court terme d’apporter plus de certitudes.
Bien entendu, les partisans de la 5G concluent à l’absence totale de risque sanitaire. Le contraire est aussi vrai. L’impossibilité de démontrer avec certitude des effets négatifs ne signifie pas qu’ils n’existent pas. Dans une telle situation, la décision sera avant tout politique.
Voulons-nous couvrir cette orientation technologique, pour des impératifs de croissance économique ? À l’heure actuelle, l’urgence dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre devrait nous conduire à éviter le déploiement de technologies voraces en matière premières et en énergie, à examiner toutes les conséquences écologiques et sanitaire d’infrastructures n’apportant à la majorité de la société aucun avantage décisif en termes de sécurité, de confort, de liberté et de sobriété énergétique. La 5G fait partie d’une course à la croissance infinie. C’est déjà un argument suffisant pour s’y opposer fermement.
Paru dans le n° 406 de solidaritéS (Suisse).