A World to Win, le 13 novembre à l’ESS’Pace (Paris 13e).
L’icône la plus connue du mouvement straight edge1, le X que certainEs se tracent sur les mains, était à l’origine un geste de solidarité avec la jeunesse. Aux États-Unis, au début des années 1980, les salles de concert servant de l’alcool traçaient un X sur les mains des mineurEs comme un signe pour dire qu’ils et elles n’étaient pas autorisés à boire. Mais face aux dégâts de l’alcool dans la scène punk et à la glorification de l’intoxication, associée à la maturité, à l’indépendance et à tous les autres traits positifs de l’âge adulte, dont l’effet immédiat était la dévalorisation des jeunes qui n’étaient parfois tout simplement pas admis en concert, une véritable contre-culture est née.
Une contre-culture émancipatrice
60 ans après les Questions du mode de vie de Trotsky où ce dernier envisageait le cinéma comme mode de distraction et d’éducation populaire en l’opposant à l’alcoolisme, c’est bel et bien dans la scène punk hardcore qu’est apparue une culture de la sobriété, inédite sur bien des aspects, porteuse d’un projet collectif d’émancipation. Car la scène punk hardcore est toujours restée en grande partie loin des majors de l’industrie musicale et qu’elle a toujours cherché à avoir un fonctionnement horizontal et collectif. En effet, c’est une des rares scènes musicales où il n’y a pas de barrières entre les groupes et le public, car le public lui-même est composé d’acteurEs de la scène : musicienEs, organisateurEs de concert, rédacteurEs de zines (publications musicales), etc. C’est en son sein que s’est créée une véritable contre-culture revendiquant la sobriété comme moyen de s’émanciper.
Ces groupes de musique qui ont repris le fameux « X » comme symbole de fierté ont souvent défendu de nombreux combats à contre-courant du reste de l’industrie musicale, des groupes straight edge européens revendiquant ouvertement leur appartenance au courant trotskiste à la fin des années 1980, à la scène US qui a répandu le véganisme à l’époque où les luttes animalistes étaient encore très marginales, en passant par une scène latino-américaine straight edge anti-impérialiste et ultrapolitique. Si en France, cette contre-culture a eu du mal à se structurer et se solidifier, depuis plusieurs années, une nouvelle génération de jeunes commencent à s’y investir.
Samedi 13 novembre 2021, à l’ESS’Pace dans le 13e arrondissement de Paris aura lieu un festival de hardcore intitulé sobrement « A World to Win » (« Un monde à gagner »). Organisé par le fanzine Time Is Now qui a récemment interviewé notre camarade Manu Bichin et Arak Asso, ce festival s’est donné pour ambition de rassembler une partie des groupes de cette nouvelle génération de musicienEs. Au programme : des groupes français, italiens, belges, suisses et anglais. Le tout pour une douzaine d’euros à peine, permettant de payer les frais d’essence de chacun. La librairie La Brèche du NPA sera présente et a d’ailleurs contribué au zine (revue musicale) exclusif qui sortira pour le concert et dans lequel on retrouvera les interviews de tous les groupes présents ainsi que quelques chroniques de livres.
- 1. Le straight edge est une culture interne au punk hardcore et à ses dérivés qui, tout en gardant l’aspect Do It Yourself et contestataire du punk, oppose au No Future et aux comportements autodestructeurs, une sobriété radicale qui exclut toute consommation de tabac, d’alcool ou autres drogues et valorise le partage, la solidarité, l’amitié, l’estime de soi, le sport et la musique.