Publié le Lundi 20 octobre 2014 à 08h00.

Documentaire : On a grèvé, de Denis Gheerbrant

Sorti le mercredi 10 septembreUn film documentaire, un film militant. Il s’agit du suivi de la grève que les femmes de ménage ont mené en 2012 dans deux hôtels de Suresnes, Première Classe et Campanile.

Pas des hôtels de grand luxe, mais quand même... Des hôtels appartenant au groupe Starwood, l’un des principaux groupes mondiaux de l’hôtellerie, propriété d’un fonds de pension américain au chiffre d’affaires annuel de 3,5 milliards de dollars. C’est dire l’exploitation forcenée que cela implique. En gros, pour 1 000 euros de salaire pour la femme de chambre, c’est 1 000 euros de plus-value pour le groupe, l’objectif étant de doubler la mise en cinq ans !Mais le revers de la monnaie, c’est que justement de l’argent il y en a et on imagine bien ce que peut être un hôtel dont les chambres ne sont plus nettoyées et le ménage pas fait, surtout s’il a un certain standing. Une chambre n’est pas délocalisable !La grève a été préparée. L’adversaire est coriace. Une caisse de grève a été constituée grâce aux succès obtenus par la CGT devant les prud’hommes. Une part pour le plaignant, une part pour la caisse de grève du syndicat. Parce que la lutte va durer.

« On est les plus forts ! »La caméra est là dés le premier jour et va y rester jusqu’à la fin. 28 jours sur le trottoir des hôtels, où les femmes vont cesser d’être invisibles et forcer le patronat à céder sur leurs revendications. Tenir le piquet, scander des mots d’ordre, danser pour montrer leur détermination, distribuer des tracts, déjouer les manœuvres de la direction qui tente de faire intervenir d’autres femmes pour faire le ménage et casser la grève, accueillir les soutiens, discuter du résultat des négociations... c’est le chemin qu’elles doivent parcourir et dont elles sortiront transformées.Venues en France par le regroupement familial, elles sont au départ à la merci de la direction. Pour la plupart, elles ne savent pas lire, ne peuvent pas déchiffrer une feuille de paie. Elles doivent travailler, le mari n’a pas forcément un travail stable, et elles ont en général beaucoup d’enfants. Mais elles ont des papiers et peuvent ainsi se battre pour leur salaire. Elles racontent le quotidien de ce travail qui casse le dos, qui est payé à la chambre et non à l’heure, les heures supplémentaires qui ne sont pas payées. Et la précarité extrême des contrats, certaines dépendant d’un sous-traitant qui au passage tire sa marge sur leur dos. Elles racontent aussi leur engagement dans cette grève, les heures passées sur le trottoir bien au-delà de ce qu’elles font d’habitude, la famille qui doit s’adapter. « On n’a pas le choix », disent-elles...Cette lutte ne tombe pas du ciel. C’est la rencontre entre des femmes surexploitées et un petit syndicat, le syndicat CGT des hôtels de prestige et économiques, regroupant 600 syndiquéEs sur les 4 000 salariéEs du nettoyage. Un peu franc tireur, délibérément unitaire pour mener la grève avec une section CNT du nettoyage.Même si c’est leur première grève, on voit dans les mots d’ordre lancés celles qui étaient dans la grève des sans-papiers de 2010, dans les luttes pour le droit au logement... Leur victoire – augmentation du taux horaire, paiement à l’heure et non à la chambre, l’intégration des femmes de ménage en sous traitance dans le groupe – a ouvert la voie à celle des salariéEs des hôtels Hyatt Concorde et Vendôme ces dernières semaines, ainsi qu’à la grève en cours des salariéEs du Royal Monceau.Pour toutes ces luttes, pour toutes ces femmes, pour tous ces salariéEs, ce film est utile. Pour développer la solidarité et aider aux mobilisations, il faut soutenir sa diffusion, le faire connaître, organiser des débats lors des projections.

Jean-Marc BourquinPlus d’informations, liste des projections : zeugmafilms.fr