Avant même d’avoir commencé, les Jeux olympiques de Rio sont marqués par la question du dopage, avec la suspension des sportifs de la Fédération russe d’athlétisme.
Celle-ci survient après les révélations sur les JO d’hiver de Sotchi de 2014, les jeux de Poutine à 36 milliards d’euros, où Agence russe anti-dopage, ministère des Sports et services secrets escamotaient les échantillons d’urine des athlètes pour les rendre « propres ». Pourtant, le dopage est loin d’être l’apanage de la simple Russie. En 2003, la Fédération américaine d’athlétisme reconnaissait avoir blanchi les contrôles positifs de Jerome Young, et le Comité olympique américain devait avouer que, depuis les années 1980, 24 athlètes avaient gagné des médailles olympiques après un contrôle positif laissé sans suite.
Une composante quasi permanente
C’est que malgré les condamnations quasi unanimes, le dopage est devenu une composante quasi permanente des compétitions sportives professionnelles. Cela souvent avec le silence complice des fédérations sportives. Le rapport de l’Agence mondiale antidopage de 2015 qui pointe « une culture profondément enracinée de la tricherie » dans l’athlétisme russe, ou kényan, dénonce aussi la corruption généralisée faisant « partie intégrante de l’IAAF », l’Association internationale des fédérations d’athlétisme, dont les dirigeants « ne pouvaient ignorer l’ampleur du dopage ».
L’IAAF est ainsi accusée de corruption, pots-de-vin, et d’avoir couvert de nombreux cas de dopage, certains de ses responsables étant même accusés d’avoir extorqué de l’argent pour cacher les contrôles positifs, comme cette médaillée d’argent sur 5 000 mètres aux championnats d’Europe de Göteborg en 2006, Liliya Shobukhova, qui aurait dû verser la somme de 569 000 dollars pour participer aux JO de Londres. En France, Lamine Diack, 82 ans, président de l’IAAF jusqu’en août 2015, est mis en examen. Le document qui a mis le feu au poudre, un documentaire de la chaîne ARD et un article du Sunday Times, révélaient que, sur les analyses sanguines de 5 000 athlètes, 800 sont jugées anormales !
Sportifs professionnels en danger
L’affaire Festina en 1998, avec le soigneur de l’équipe pris à la frontière avec 500 doses d’EPO et de stupéfiants, et Lance Armstrong, sept fois vainqueur du Tour avec ses tests urinaires positifs à l’EPO, ont révélé l’ampleur du dopage dans le cyclisme en général, et le Tour de France en particulier. À chaque fois, l’UCI, l’Union cycliste internationale, a été dénoncée pour son manque d’empressement à dénoncer le dopage et à freiner la mise en place de contrôles performants. On est bien loin du dopage individuel, alors qu’un tiers des participants au Tour ont croisé le dopage, et 79,2 % des maillots jaunes, selon le site cyclisme dopage !
Tout cela se fait au mépris de la santé des coureurs professionnels. Leur risque de décès par arrêt cardiaque avant 45 ans est cinq fois supérieur à la moyenne ! Dans tous les sports, dopage, mais aussi multiplication des compétitions et changement des règles pour les rendre plus spectaculaires favorisent les blessures. L’espérance de vie d’un joueur professionnel de football américain ne dépassait pas 55 ans dans les années 1990, ce qui a été la cause de nombreuses grèves de joueurs pour diminuer blessures et surentraînement.
Le corps-marchandise
Le sport est devenu une véritable industrie, qui brasse entre 400 et 600 milliards d’euros chaque année. Dans le sport professionnel, saisi par les logiques du business et de la raison d’État, toutes les politiques de lutte contre le dopage ne doivent pas nous faire oublier que le dopage n’est pas un choix individuel des coureurs ou des athlètes, mais une pratique généralisée, souvent sous le contrôle des équipes, des fédérations ou des États. Sport spectacle, sport marchand, sport vitrine des États, course aux sponsors, sport publicité pour Adidas ou Nike, droits télévisuels, droits de transfert… le corps des athlètes devient le simple support d’une marchandise qui s’appelle profits dans le sport, qu’il faut rendre à chaque fois plus performant pour gagner. Métaphore du capitalisme…
Le sport en tant que jeu et plaisir pour les participantEs, le sport en tant qu’envie de rêver et d’échapper à la monotonie de la vie quotidienne... Au nom d’un rêve égalitaire et démocratique (où les enfants des quartiers peuvent devenir millionnaires...), le sport est trop souvent écrasé par les passions nationalistes, les intérêts financiers des clubs, des sponsors, des marques d’équipementiers sportifs, des fédérations, ou des athlètes. Tout pousse à généraliser la pratique du dopage pour gagner à tout prix… Et à faire du dopage une simple affaire individuelle quand le scandale éclate !
Frank Cantaloup