Quarante ans après la grande manifestation nationale du 29 septembre 1973 à Besançon en soutien à la grève des travailleurs de Lip, ce film est à voir et à revoir. Mais c’est surtout une histoire à faire découvrir à toutes celles et à tous ceux qui ne la connaissent pas car elle est d’une grande actualité.
Sorti en salle en mars 2007 et disponible en DVD, le film retrace l’histoire du mouvement le plus emblématique de l’après-mai 68. Parti d’une protestation contre le dépôt de bilan de cette grande entreprise d’horlogerie, en quelques semaines le mouvement s’est accéléré : séquestration des administrateurs provisoires, occupation de l’usine puis manifestations et enfin remise en route des chaînes de montage par les travailleurs eux-mêmes. L’autogestion de l’entreprise avec leur fameux slogan « on fabrique, on vend, on se paie ! »
Toute personne qui a vécu une grève reconnaîtra dans ce film les immenses transformations qui ont lieu chez les grévistes. Des collègues, auparavant en retrait, se mettent sur le devant de la scène, prennent la parole et participent au grand élan de créativité qui surgit du mouvement. C’est « l’imagination au pouvoir ».
On reconnaîtra aussi la prise de confiance des femmes et le changement des rapports avec les hommes, ainsi que les questions soulevées par le rôle des syndicats – l’expérience des équipes syndicales locales, le frein (ou pire) de la bureaucratie fédérale – mais aussi la question de la démocratie et du contrôle du mouvement par les AG et les commissions.
Originalité
Mais à partir de l’occupation, le mouvement prend une dimension encore plus profonde et plus riche que la plupart des grèves. Un soir l’équipe d’animateurs de la grève, consciente du besoin de maintenir un rapport de forces, décide d’évacuer le stock de montres. Des dizaines de milliers seront cachées dans des planques à l’extérieur de l’usine.
Action illégale ? Vol ? Non-respect de la propriété privée ? Les animateurs argumentent que ce sont les travailleurs qui ont produit les montres, elles sont donc à eux. L’assemblée générale du lendemain approuve à l’unanimité leur décision. À partir de là, l’autogestion est en route et on assiste à une préfiguration d’une future société, avec une dizaine de commissions qui gèrent toutes les activités complexes d’une entreprise.
En ces quelques lignes, on ne peut qu’évoquer quelques-unes des autres questions pourtant passionnantes que le film soulève : le rapport entre religion et lutte de classes à travers l’histoire des militants chrétiens au sein de l’équipe exemplaire de la CFDT ou de curés qui cachent les montres, l’ouverture sur l’extérieur, le journal de lutte et les réseaux de soutien dans la ville et à travers le pays.
« Alors », nous dit-on souvent, « au NPA vous gardez la foi, vous croyez toujours qu’on peut changer le monde ? » La réponse est simple : ni croyance ni foi mais une conviction basée sur des expériences très concrètes, les résistances au quotidien, les grèves, les occupations, voire des révolutions à l’échelle d’un pays. Les exemples ne manquent pas pour nous montrer qu’un autre monde est non seulement nécessaire mais tout à fait possible et Lip en est un des meilleurs.
N’hésitez donc pas à organiser des projections de ce film avec du temps pour les débats qu’il ne manque jamais de soulever !
DVD : Les Lip, l’imagination au pouvoir de Christian Rouaud
2007, 14,90 euros.