Publié le Mercredi 29 mars 2017 à 17h11.

DVD : Ni dieu ni maître. Une histoire de l’anarchisme

De Tancrède Ramonet. Coffret 2DVD, éditions Arte, 2016, 35 euros. 

Né au début du 19e siècle avec l’industrialisation, l’anarchisme a maintenant deux siècles. Les anarchistes tentèrent au sein du mouvement ouvrier de « concilier le maximum de liberté avec le maximum d’égalité », comme le dit l’essayiste et anarchiste canadien Norman Baillargeon.

On commence avec Proudhon, qui sera la premier à théoriser les bases de l’anarchie, faisant le lien entre État, gouvernement et capitalisme, et lance la formule encore célèbre « la propriété, c’est le vol ». Puis vient Bakounine qui poussa ces théories vers une pensée révolutionnaire, prônant l’insurrection. Les anarchistes deviennent le courant dominant dans le mouvement ouvrier. On les retrouve dans les mouvements de masse qui émaillent le 19e siècle en Europe, en particulier dans la Commune de Paris.

L’anarchisme traverse ensuite la Manche, dans les bagages des migrants en partance pour les États-Unis, en particulier à Chicago qui a besoin de main-d’œuvre pour ses trois principales industries : le béton, l’acier, la viande. C’est d’ailleurs de là que viendra le 1er Mai comme fête internationale des travailleurs, suite à une manifestation en 1886 pour les 8 heures de travail après laquelle des ouvriers seront accusés d’avoir lancé une bombe et seront condamnés à mort.

En France, Louise Michel, gagnée à l’anarchisme, aurait inventé l’emblème des anarchistes, le drapeau noir. Car durant longtemps, c’est le drapeau rouge (et l’Internationale) qui sera leur emblème.

Viennent ensuite les tenants de la « propagande par le fait », puis Ravachol et ses bombes artisanales. Ces attentats déclenchent alors des débats intenses dans les mouvements anarchistes. Car les attentats se multiplient en Europe, et des têtes couronnées et des responsables de gouvernements tombent un peu partout. 21 États se réunissent en 1898 à Rome et jettent alors les bases de ce qui deviendra Interpol, afin de lutter contre ces « terroristes ».

À la fin du 19e siècle, nombre d’anarchistes se détournent de cette stratégie et prônent un retour dans les masses. Le syndicalisme révolutionnaire est né. Les bourses du travail en seront l’un des principaux outils. Lieux de lutte et surtout de formation, Fernand Pelloutier en sera le grand propagateur, lui qui voulait « donner à l’ouvrier la science de son malheur ».

« Un monde nouveau »

Le documentaire nous amène aussi du côté du troisième grand courant de l’anarchisme : l’individualisme. Proposant un autre mode de vie, les individualistes développeront des colonies un peu partout dans le monde… sans que cela ne donne au final grand chose.

Puis on parcourt la première moitié du 20e siècle dans ce que le réalisateur Tancrède Ramonet raccroche au mouvement anarchiste : en 1911 au Mexique avec Enrique et Flores Magon au nord et Zapata au sud. En 1917, avec Makhno et les marins de Kronstadt, dont l’élimination écrira les pages les plus noires de la Révolution russe. Ou encore l’Espagne des années 1930 et ses 1,5 million de membres réunis au sein de la CNT avec sa figure la plus emblématique, Buenaventura Durruti, qui déclarait peu avant de mourir : « Nous n’avons pas peur des ruines, car nous portons en notre cœur un monde nouveau. »

Dans ce coffret documentaire construit sur une riche iconographie et des films d’archives, on trouve aussi de nombreux témoignages d’intellectuels et militants anarchistes. À travers deux épisodes de 90 minutes, on suit l’histoire du mouvement ouvrier vu du point de vue des anarchistes. Avec quelques bonus captivants (en particulier « Anarchie en Mandchourie ») et un livret riche de nombreux textes des penseurs anarchistes. Passionnant.

Pierre Baton