1 CD chez Music From Source/L’autre distribution, 12,99 euros.
Sophie Alour, formée initialement à la clarinette, s’exprime principalement au saxophone ténor depuis le début des années 2000. Elle a débuté avec des musiciens comme Aldo Romano, Stéphane Belmondo ou Christophe Dal Sasso avant de rejoindre l’organiste et chanteuse américaine Rhoda Scott avec qui elle a formé et forme toujours l’un des principaux groupes féministes de jazz. Féministe par le combat et féministe aussi par la composition entièrement féminine de la formation.
« Un point de rencontre »
Insulaire, le premier album de Sophie Alour, enregistré en 2005 et sorti en 2006, a rencontré un grand succès critique et la fit connaître largement parmi les amateurEs de jazz. Depuis, elle publie régulièrement ses propres albums dans des formats différents où elle propose des compositions personnelles ou des interprétations/improvisations libres de standard1.
En 2019, elle opère un virage radical vers les musiques orientales et collabore avec l’Égyptien Mohammed Abozekry pour l’album Joy qui a reçu le prix Django-Reinhardt de l’académie du jazz2. Sophie et Mohammed ont donné, en dépit de la pandémie, de nombreuses interprétations « live » de cet album, de Coutances à Marciac en passant par Vienne. Encouragée par la reconnaissance du public, la musicienne a décidé, dans un glissement typiquement « lacanien » de donner une suite à Joy en se tournant vers Abdallah, le frère de Mohammed et, ce faisant, passant de l’oud au sarz. Le sarz est un luth moins connu mais sacré chez les Alevis car il sert souvent à accompagner les chants des cérémonies, religieuses ou non. Pour Sophie Alour : « Le sarz met l’âme en vibration avec un autre monde et, par sa facture même, balise l’écriture et impose de trouver un point de rencontre, à défaut d’avoir une langue commune. »
Un son franc et des notes ludiques
Enjoy s’ouvre sur une nouvelle interprétation de la « Chaussée des géants », plus frénétique et volcanique que dans Joy. 6 minutes 17 de bonheur pyrotechnique. Sophie s’ouvre également au chant dans des fugues orientales (« Sous tous les toits du monde ») où elle s’appuie sur Raphaëlle Brochet au chant indien.
Tout l’album est une circulation d’un jazz invisible qui parle à notre inconscient sans oublier ce qui fait la force de cette musique propice aux ruptures et déchainements musicaux où la musicienne s’empare de son saxophone ou de sa flûte (« Songe en forme de fougère ») pour en extirper un sentiment à l’état pur. Bien loin des sensibleries ou des performances inutiles, juste un son franc et des notes ludiques.
Tout le long des onze pièces de l’album, le groupe donne l’impression de tourner, de danser autour de la cheffe d’orchestre et de son saxophone pour un nouveau voyage initiatique.
Deux dates parmi d’autres pour vous en convaincre. Le 7 août à l’Estrada au festival de Marciac (Gers) et le 28 septembre au New Morning (Paris).