De Julien Brygo et Olivier Cyran. La Découverte, 2016, 18,50 euros.
C’est avec esprit de sérieux, derrière un titre volontairement provocateur, qu’Olivier Cyran et Julien Brygo, deux journalistes indépendants, se sont attaqués, à la suite d’années d’enquêtes, en particulier pour le mensuel alternatif CQFD, au sujet de la précarisation grandissante du monde du travail. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça décoiffe.
Mais au fait, c’est quoi un boulot de merde ? Viennent d’abord à l’esprit les métiers dits en tension car réputés éprouvants, peu ragoutants ou mal payés alors que, à l’inverse, ils remplissent le plus souvent un rôle utile pour la société comme le nettoyage ou la restauration.
Le champ de leur investigation englobe aussi des métiers inutiles, guettés par le bore out, comme celui de commercial ou de créatif, conçus pour nous vendre au plus vite n’importe quel produit fabriqué n’importe comment. Le trader, qui spécule à partir du fruit du travail des autres, et le conseiller en optimisation fiscale, qui jongle avec les marges de la loi pour le bonheur de ses clientEs fortunés, en prennent eux aussi pour leur grade.
Sont ainsi passés en revue plusieurs secteurs d’activité où la précarisation du travail est la norme, comme la distribution directe dont l’entreprise leader, Adrexo, exploite sans vergogne y compris des retraitéEs sans le sou pour quelques heures de travail par semaine, les spolient à travers un système de précomptage des heures de travail, parfois jusqu’à en mourir…
C’est aussi le retour de métiers oubliés comme conducteur de rickshaw ou cireur de chaussures, sous le statut d’auto-entrepreneur qui nous renvoie tout droit au 19e siècle où, rêve ultime de tout bon capitaliste, le coût du travail, limité à son seul temps d’exécution, est âprement négocié. Le livre se termine sur un vibrant appel à la lutte collective et ne manque pas d’interroger les militantEs syndicaux confrontés à ce phénomène, sur leurs pratiques visant à le dépasser pour mieux organiser ces inorganisables. Pour joindre le geste à la parole, les auteurs poursuivent la campagne de promotion de leur livre : invitez-les !
LD