Anna Bednik, éditions Le Passager clandestin, 2016, 18 euros.
Si le capitalisme est exploitation et profit, il est tout aussi essentiellement le règne de la marchandise. Après l’essor de la civilisation thermo-industrielle, à l’étape du capitalisme mondialisé, la production de marchandises est exponentielle. C’est en ce sens que le mot « productivisme » est totalement approprié. Dans ce processus de fuite en avant, la nature sous toutes ses formes – terres, eau, forêts, sous-sol (énergies fossiles, métaux), mer – et sur la planète entière sont également exploitées. L’emballement de la production de marchandises s’accompagne d’un accroissement lui aussi exponentiel de l’activité extractive : la consommation mondiale des « ressources » est passée de 6 milliards de tonnes en 1900 à 49 en 2000, à 59 en 2011.
C’est cela qu’Anna Bednik, journaliste indépendante (elle collabore notamment au Monde diplomatique et à la revue Mouvements) et militante de l’écologie radicale, étudie dans ce livre solidement documenté et désigne comme « extractivisme ». Son travail se situe dans une démarche proche de celle de N. Klein : enquêtes de terrain (surtout en Amérique latine et en France), réflexion générale historique, économique, écologique. Politique aussi lorsqu’elle regarde de près les nombreuses luttes qui se déploient sur ces enjeux. L’auteure reprend à plusieurs reprises à son compte le concept d’« aextrnthropocène ».
Le chapitre sur le « mirage d’une croissance dématérialisée » est particulièrement intéressant, et pourrait constituer à lui seul une incitation à se plonger dans l’ouvrage pour les marxistes réticents à se placer dans la perspective de l’écosocialisme : certains malentendus pourraient même être levés…
Après la COP21, à l’heure où le combat pour laisser sous terre 80 % des réserves d’énergies fossiles doit se renforcer, voilà une bonne contribution pour étayer l’activité militante.
Fernand Beckrich